(Investir au Cameroun) – Le rapport de certification du Compte général de l’État pour l’exercice 2024 met en lumière une série de litiges susceptibles de peser lourdement sur les finances publiques. Pour le seul ministère des Travaux publics (Mintp), la Chambre des comptes recense des risques financiers cumulés de 87,49 milliards de FCFA. Ces différends opposent l’État à des entreprises nationales et internationales impliquées dans des projets d’infrastructures majeurs, et font émerger un volume significatif de passifs potentiels hors bilan. En effet, en fonction de l’issue des contentieux, une partie ou la totalité de ces 87,5 Md FCFA pourrait se traduire par une charge additionnelle pour l’État.
Deuxième pont sur le Wouri : un arbitrage à 15 milliards de FCFA
Parmi ces dossiers figure celui de Sogea Satom et Soletanche Bachy, titulaires du marché du deuxième pont sur le Wouri, un ouvrage stratégique de 141,6 milliards de FCFA. Ce projet vise à fluidifier la circulation entre Bonabéri, importante zone industrielle, et le centre-ville de Douala, ainsi qu’à améliorer la liaison avec les régions de l’Ouest, du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Le litige, porté devant la Cour internationale d’arbitrage (CCI) de Paris, trouve son origine dans des « manquements de l’État du Cameroun dans ses obligations de maîtrise d’ouvrage », selon des informations révélées par Africa Intelligence. La Chambre des comptes évalue désormais à 15 milliards de FCFA le risque budgétaire pour l’État, conséquence directe de cette procédure engagée contre Yaoundé.
Route Garoua-Boulaï–Ngaoundéré : un risque de 52 milliards de FCFA
Un deuxième contentieux d’envergure implique le groupe Andrade Gutierrez Zagope, adjudicataire des travaux de la route Garoua-Boulaï–Ngaoundéré. Cet axe clé relie le Cameroun à la RCA, au Nigeria et au Tchad. Livré en octobre 2018, le tronçon de 89 km a été réceptionné après validation par une commission interministérielle et par les bailleurs, notamment la Banque africaine de développement (BAD) et la Banque mondiale. Le montant des prestations s’élève à 41,42 milliards de FCFA, auxquels s’ajoutent 1,5 milliard de FCFA pour la supervision confiée à Egis. Si le rapport ne précise pas l’origine du différend, la Chambre des comptes inscrit un risque potentiel de 52 milliards de FCFA, reflétant l’ampleur des prétentions de l’entreprise brésilienne.
Prestataires locaux et fragilités des marchés publics
D’autres litiges importants concernent des prestataires locaux. Super Confort SARL, dans le cadre du marché n°79/M/MINTP/CSPM-PLANUT/2020, représente un risque évalué à 11,94 milliards de FCFA. Deux autres procédures impliquant Bofas SARL pourraient coûter à l’État respectivement 14,32 milliards et 23,40 milliards de FCFA, portant à plus de 37 milliards de FCFA les montants en jeu pour cette seule entreprise.
L’ensemble de ces dossiers traduit une fragilité structurelle dans la conduite, le suivi et la sécurisation des marchés publics. Les montants en cause, qui constituent un risque budgétaire important, interrogent la qualité de la maîtrise d’ouvrage, la gestion des risques contractuels et la gouvernance globale des grands projets d’infrastructures. Alors que le Cameroun multiplie les chantiers structurants, la Chambre des comptes appelle implicitement à un renforcement des mécanismes de contrôle afin de limiter une exposition financière susceptible de grever durablement les équilibres budgétaires.
Amina Malloum



