Au lendemain des violences post-électorales et alors que Paul Biya s’apprête à prêter serment à Yaoundé, une question majeure enflamme les réseaux sociaux et les débats de rue : Issa Tchiroma Bakary peut-il prêter serment depuis l’étranger ou même depuis une résidence privée, tout en étant reconnu comme président légitime ? La comparaison avec le cas d’Adama Barrow en Gambie en 2017 ressurgit, nourrissant l’espoir d’une partie de la population. « La souveraineté vient du peuple, pas des murs du palais », affirme un militant, l’air grave. Mais jusqu’où cette hypothèse est-elle politiquement, juridiquement et symboliquement viable ? Et que signifierait-elle pour la crise actuelle au Cameroun ?
La notion de légitimité face à la cérémonie officielle
La légitimité politique est au cœur du débat. D’un côté, le Conseil constitutionnel, organe officiellement chargé de valider l’élection, a confirmé la victoire de Paul Biya. De l’autre, des résultats collectés dans plusieurs bureaux de vote par des observateurs indépendants attribuent une avance significative à Issa Tchiroma Bakary.
Dans ce contexte, la question dépasse le simple rituel protocolaire. Elle touche à la définition même de l’autorité :
- Qui détient la souveraineté ?
- Le peuple ou les institutions qui le représentent ?
L’exemple gambien : un précédent africain récent
En 2017, Adama Barrow fut investi à l’ambassade de Gambie à Dakar, sous protection internationale, pendant que Yahya Jammeh refusait de quitter le pouvoir.
Quelques jours plus tard, Barrow rentrait en triomphe à Banjul.
Des juristes rappellent également :
- Charles de Gaulle prêta symboliquement serment à Londres en 1940.
- Juan Guaidó fut reconnu président par intérim du Venezuela en 2019 sans occuper le palais présidentiel.
Ces précédents alimentent les spéculations au Cameroun.
L’option d’un serment en exil est-elle légalement possible au Cameroun ?
Dans la Constitution camerounaise, la prestation de serment se fait devant le Parlement réuni en Congrès. Mais aucune disposition n’invalide explicitement un serment prononcé ailleurs, si celui-ci est reconnu par :
- une partie significative du peuple,
- des organisations politiques,
- et éventuellement des acteurs internationaux.
La crise actuelle, marquée par trois jours de « ville morte » dans plusieurs métropoles, révèle une fracture profonde entre l’État officiel et l’État réel vécu par le peuple.
Quelles conséquences pour la suite ?
Si Issa Tchiroma venait à prêter serment au Nigéria, même symboliquement, plusieurs scénarios s’ouvrent :
| Scénario | Impact politique |
|---|---|
| Serment privé, non public | Effet limité mais forte charge symbolique |
| Serment public accompagné d’un « gouvernement en exil » | Dualité de pouvoir ouverte |
| Reconnaissance par une ou plusieurs puissances étrangères | Changement de rapport de force national |
Dans tous les cas, cela prolongerait la crise, mais redéfinirait le centre de gravité du pouvoir.
La question du serment en exil n’est pas une fantaisie : elle s’inscrit dans une tradition politique internationale où la volonté populaire peut primer sur le cadre institutionnel.
Reste une interrogation centrale :
Le Cameroun suivra-t-il la voie de la Gambie, de la France libre ou du Venezuela ?

