Un nouveau scandale d’une ampleur colossale vient d’éclabousser la Société nationale des hydrocarbures (SNH). L’affaire, révélée le 2 avril dernier, concerne la vente illicite de cinq cargaisons de pétrole brut camerounais via une société écran nommée Teclogix, pour un préjudice estimé à 140 milliards de FCFA. Au cœur de ce système frauduleux: Igor Emmanuel Soya Bissaya, Conseiller technique N°2 de l’institution, désormais démis de ses fonctions.
Un cartel de prédateurs qui pille le Cameroun en toute impunité
La réaction d’Adolphe Moudiki, directeur général de la SNH depuis 1993, a été immédiate mais controversée. Dans un communiqué officiel publié le 2 avril, il a catégoriquement nié toute irrégularité: « Les cargaisons de pétrole brut camerounais sont vendues en toute transparence, selon des procédures rigoureusement respectées. À cet effet, il serait diffamatoire d’évoquer l’opacité desdites ventes. » Une posture de déni qui rappelle étrangement la communication de la SNH lors des précédentes affaires Savannah Energy et Glencore.
Le même jour que ce communiqué, des scènes pour le moins inhabituelles se déroulaient au siège de la SNH. Après avoir démis Soya Bissaya de ses fonctions, le bureau de ce dernier a été littéralement défoncé « dans une rare brutalité ». S’agissait-il pour l’ADG de rechercher des preuves compromettantes liées à ce scandale offshore? Le timing de ces événements laisse perplexe, d’autant plus que le principal suspect semble avoir « pris la poudre d’escampette » pour échapper à d’éventuelles poursuites judiciaires.
Une gestion dynastique qui gangrène l’entreprise nationale
Cette nouvelle affaire met en lumière la gestion patrimoniale de cette entreprise stratégique. Après plus de trois décennies à la tête de la SNH, Adolphe Moudiki, malgré des « soucis de santé qui sont un secret de polichinelle », continue de diriger l’institution en « mandarin, ne rendant compte qu’au grand mandarin ».
Plus troublant encore, une note de service datée du 4 mars 2024 aurait confié l’essentiel de la gestion quotidienne de cette entreprise « capitale et névralgique » au duo formé par Igor Emmanuel Soya Bissaya et Nathalie Moudiki, épouse du directeur général et elle-même employée à la SNH. Ce tandem aurait ainsi fait « la pluie et le beau temps indépendamment de leurs titres respectifs », confirmant l’existence d’un véritable système parallèle au sein de l’institution.
Dans un Cameroun « en proie à un effondrement généralisé des services et des infrastructures sociales de base », ce détournement de 140 milliards de FCFA résonne comme un véritable crime économique. Ce scandale vient s’ajouter à la longue liste des affaires qui minent la SNH et confirme, selon plusieurs observateurs, « l’existence d’un complot de l’intérieur contre l’émergence du Cameroun ».