Risque souverain : la Cemac face à une bombe à retardement bancaire


(Investir au Cameroun) – La concentration du financement bancaire sur les Etats de la Cemac (Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, Tchad et RCA) était l’une des thématiques au centre de la 14è édition de la concertation annuelle du président de la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac) avec la profession bancaire et financière de la Cemac. Cette rencontre entre le régulateur bancaire dans la sous-région et les responsables des établissements de crédit s’est déroulée le 23 juin 2025 à Bangui, la capitale centrafricaine.  

En effet, la configuration actuelle du portefeuille des banques, largement dominée par les titres publics émis par les pays de la Cemac sur le marché des titres publics de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC), leur institut d’émission, inquiète la Cobac. La crainte du régulateur du secteur bancaire découle du risque souverain – risque pour un Etat de ne pas pouvoir rembourser ses dettes – auquel sont désormais exposés les établissements de crédit opérant comme Spécialistes en valeurs du Trésor (SVT) sur le marché des titres de la BEAC.

A titre d’illustration, révèlent les données de la BEAC, au 31 mars 2025, les banques détenaient 66,1% des valeurs du Trésor en circulation dans la Cemac, en dépit du dynamisme observé ces dernières années sur le marché secondaire des titres publics de la BEAC. Concrètement, l’enveloppe des titres publics dans le portefeuille des banques-SVT totalisait 5589,6 milliards de FCFA à fin mars 2025, sur un encours global de titres estimé par la banque centrale à 8451,8 milliards de FCFA.

Défauts de paiement

 Avec un tel niveau d’exposition au risque souverain, les défauts de paiements des Etats débiteurs fragiliseraient le système bancaire sous-régional. On a pu le constater avec les difficultés de la République du Congo à pouvoir honorer le remboursement de deux dettes d’un montant total de 51 milliards de FCFA sur le marché de la BEAC, entre août et septembre 2024. Au regard de ses tensions de trésorerie, et afin d’éviter une crise au secteur bancaire de la Cemac, ce pays, qui est par ailleurs le plus endetté du marché des titres de la BEAC, a dû rééchelonner sa dette sur 10 ans. Ce qui n’est pas plus avantageux pour l’économie sous-régionale et les banques-SVT ayant accepté le reprofilage de la dette congolaise, dans la mesure où elles ont renvoyé à plus tard l’encaissement d’un volume de liquidité d’environ 1000 milliards de FCFA.   

Afin d’éviter ces montages qui ne fragilisent pas moins le système bancaire de la Cemac, les participants à la rencontre organisée par la Cobac à Bangui ont exploré des solutions pour éviter une trop grande exposition des établissements de crédit au risque souverain. « Dans le cadre des solutions envisagées, M. Félix Njoume, président de l’Association  professionnelle des établissements de crédit en République centrafricaine, a présenté au nom de la Fédération des associations des établissements de crédit de la Cemac, les enjeux, le bilan et les perspectives de la stratégie de réduction des expositions aux risques de crédit. Il a insisté sur la sensibilisation de la clientèle à la culture du remboursement, et préconisé une limitation des titres publics dans les bilans des banques, afin de diversifier les actifs du secteur  », apprend-on du communiqué ayant sanctionné les travaux de Bangui.

Vers un plafonnement des placements ?

Au demeurant, une limitation des valeurs du Trésor dans les bilans des banques pourrait impliquer le plafonnement des placements à effectuer par les banques-SVT sur le marché des titres publics de la BEAC. Ce qui serait dommageable pour les Etats de la Cemac, dont le marché monétaire est devenu, depuis 2019, l’une des principales sources de financement des budgets. Ces dernières années, les besoins immédiats de trésorerie de ces pays sont d’autant plus prégnants que les émissions de bons du Trésor assimilables (BTA)  – titres publics dont la maturité n’excède pas un an et servant à pallier les problèmes ponctuels de trésorerie – surclassent celles des obligations du Trésor assimilables (OTA) – titres de moyennes et longues maturités, mieux adaptés au financements des projets.

Concrètement, selon les données de la banque centrale, sur l’enveloppe de 5079,3 milliards de FCFA mobilisée par les pays de la Cemac sur le marché des titres publics en 2024, plus de 3068 milliards de FCFA ont été obtenus par émissions de BTA, soit 60,4% des fonds levés.  « Les bons à 26 semaines sont restés les plus prisés, avec un montant total émis de 1 695,4 milliards, représentant 55,2% du total des émissions de BTA sur la période », souligne la BEAC, révélant ainsi l’importance du marché des titres publics dans la gestion quotidienne de la trésorerie des Etats de la Cemac.

Brice R. Mbodiam

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