Relance ou recyclage : à Maroua, Paul Biya rejoue la carte des grands chantiers pour redynamiser l’économie camerounaise


(Investir au Cameroun) – Le 7 octobre à Maroua, Paul Biya a placé l’économie sur orbite de campagne : cap sur les infrastructures, l’énergie et l’emploi des jeunes, adossés à la sécurité et à la résilience climatique. Le message cherche à convaincre que les financements sont disponibles et que l’exécution s’accélère pour générer des « bénéfices » tangibles. 

Routes et énergie

Dans une région charnière pour le commerce sahélien, le président-candidat promet de transformer des dossiers en chantiers visibles. « Les entreprises chargées de l’exécution des travaux ont été sélectionnées et ont entamé leur déploiement sur le terrain. Les travaux vont enfin pouvoir démarrer » sur des axes comme Mora–Dabanga–Kousséri ou Ngaoundéré–Garoua, clés pour comprimer les coûts logistiques et relier les bassins de production aux marchés.  Il ajoute un « programme spécial de réhabilitation des axes routiers dégradés et de constructions de nouvelles routes […] auquel seront dédiés des moyens financiers conséquents », afin de « faciliter le déplacement de nos populations et […] donner un souffle nouveau à notre économie ». 

Effet attendu : un choc BTP à court terme et, à moyen terme, une baisse structurelle des coûts de transport qui fluidifie les chaînes d’approvisionnement et le commerce transfrontalier.

Côté énergie, Biya revendique une bascule de capacité. « Le barrage hydro-électrique de Nachtigal est désormais en fonctionnement » ; surtout, « la construction en cours des lignes de transport […] va donner un coup d’accélérateur à notre économie et améliorer significativement le bien-être de nos populations », tandis que « Bini à Warak et Kikot-Mbebe vont démarrer incessamment ».  Le dispositif doit être complété par le solaire et l’interconnexion : « nous veillerons […] à ce que le parc des centrales solaires se densifie et que les travaux de raccordement des réseaux interconnectés Nord et Sud soient conduits à bonne fin, afin d’accroître l’offre énergétique, notamment dans les régions septentrionales ». 

Lecture économique : si la montée en charge des lignes et l’interconnexion suivent, l’intermittence devrait reculer, libérant des marges de production pour l’industrie et réduisant le coût d’opportunité des coupures pour les PME.

Jeunesse et sécurité: leviers d’impact

Sur l’emploi, la promesse vise l’appariement entre compétences et besoins des filières (agriculture, élevage, artisanat, numérique), avec un chaînage formation-financement-intermédiation. « Le Fonds National de l’Emploi sera restructuré » et l’ambition est que « chaque jeune […] puisse disposer d’opportunités […] permettant de trouver aisément un emploi ou de devenir un entrepreneur. Aucun jeune […] ne sera laissé au bord du chemin ».  La crédibilité reposera sur la budgétisation des dispositifs, la gouvernance des guichets et des indicateurs publics (taux d’insertion, coût par bénéficiaire, pérennité des emplois). Le ton se veut résolu : « Ces efforts vont se poursuivre. Résolument. Je m’y engage ». 

La sécurité est pensée comme multiplicateur économique. « J’ai instruit le déploiement de nos unités d’élite dans les zones particulièrement éprouvées des départements du Logone et Chari et du Mayo Tsanaga. J’en escompte une amélioration significative de la situation sécuritaire », avec « la relance du tourisme, des activités agricoles et pastorales, ainsi que le retour des investissements créateurs d’emplois et de richesses » en effet immédiat sur l’activité.  Dans l’Extrême-Nord, la résilience face aux inondations chroniques est érigée en priorité, à travers le Projet de Développement Rural Intégré Chari-Logone, qui « devrait bientôt aboutir à des résultats significatifs » : un volet déterminant pour sécuriser la production et les revenus ruraux. 

Gouvernance

Enfin, la gouvernance financière sert de colonne vertébrale : « relancer notre économie, améliorer la gestion de nos finances publiques, développer de nouvelles sources de financement grâce notamment à l’essor du secteur minier » et « intensifier la lutte contre la corruption et le détournement des biens publics ».  Si ces engagements se transforment en procédures, contrôles et transparence, ils peuvent réduire le risque-pays, abaisser le coût du capital et attirer l’investissement privé indispensable à la soutenabilité des chantiers.

Sur du papier, l’architecture proposée par Paul Biya est pour le moins lisible — routes pour raccorder, énergie pour produire, compétences pour employer, sécurité et résilience pour stabiliser, gouvernance pour crédibiliser. L’impact macro dépendra du passage du discours à la mise en service, au respect des délais et de la discipline d’exécution des projets et reformes. Autant dire que sur le terrain concret, tout reste à prouver. À 92 ans, si l’homme du Renouveau remporte cette bataille électorale ultime du 12 octobre, le vrai verdict tombera avec les chantiers livrés ou non, les mégawatts réellement disponibles pour entreprises et ménages, et les emplois effectivement créés pour les jeunes. Car au bout du compte, seuls les résultats concrets diront si cette promesse de croissance se transforme en réalité tangible.

Baudouin Enama





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