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Produits pharmaceutiques : l’industrie locale cantonnée à 5 % d’un marché camerounais dominé par les importations


(Investir au Cameroun) – D’après le Comité de compétitivité, think tank logé au ministère de l’Économie, le tissu industriel pharmaceutique au Cameroun reste largement sous-exploité. Malgré la présence d’une quinzaine d’unités de production, les fabricants locaux ne captent que 5% des parts du marché national du médicament et consommables médicaux, face à des importations massives qui assurent 95% de la demande. Ces achats de produits pharmaceutiques à l’étranger ont bondi de 69,5 milliards de FCFA en 2010 à 170 milliards de FCFA en 2024, accentuant la pression sur les réserves en devises du pays. 

Cette dépendance aux importations est attribuée à un faisceau de contraintes : coûts de production jugés trop élevés par les industriels locaux, insuffisance ou vétusté des équipements, concurrence de médicaments issus des circuits informels et illicites. Les industriels locaux dénoncent également une fiscalité qualifiée d’« asphyxiante », qui réduit leur compétitivité-prix par rapport aux produits pharmaceutiques importés.

Résultat : malgré quelque 50 milliards de FCFA investis, les usines locales ne tournent qu’à près de 20% de leurs capacités, et ne se partagent qu’environ 8 milliards de FCFA sur un marché dont la valeur est comprise entre 125 et 200 milliards de FCFA, selon l’Association des industries du médicament. L’écart entre la taille du marché et la part captée par les producteurs nationaux met ainsi en lumière un potentiel industriel largement inexploité.

Contrefaçon et contrebande : 33 milliards de pertes

À côté des flux d’importations formelles, la montée de la contrebande et de la contrefaçon accentue la pression sur les acteurs locaux. Entre 2020 et 2024, plus de 8,6 milliards de FCFA de médicaments contrefaits ont été saisis au Cameroun, selon le ministère de la Santé publique. Des dizaines de circuits illicites ont été démantelés et la surveillance des frontières comme celle des plateformes numériques a été renforcée.

Le ministre de la Santé publique, Manaouda Malachie, interpelle régulièrement l’Ordre national des pharmaciens, appelant à « un engagement fort et visible pour protéger la confiance du citoyen envers le médicament », et exhortant chaque acteur à contribuer à la sécurité sanitaire. En effet, le phénomène dépasse désormais la seule dimension économique pour devenir un enjeu de santé publique majeur.

Les conséquences sanitaires sont lourdes. D’après des données publiées en 2023 par l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), les médicaments falsifiés ou de qualité inférieure seraient à l’origine d’environ 500 000 décès par an en Afrique subsaharienne. Au Cameroun, la contrefaçon est devenue un problème structurel : selon le site Lurgentiste.com, le secteur informel contrôlerait une part significative du marché, avec 20 à 25% de médicaments contrefaits en circulation.

La commande publique au cœur des revendications

Face à cette double concurrence – importations formelles et produits illicites –, l’Association des industries du médicament plaide pour une meilleure intégration des producteurs locaux dans la commande publique. « Ce volet pourrait être facilement mis en œuvre par la restructuration du système national d’approvisionnement en médicaments génériques essentiels (Syname), dont la cheville ouvrière, la Cename (Centrale nationale d’approvisionnement en médicaments et consommables médicaux essentiels, NDLR), garantirait ses besoins par appels d’offres réservés aux fabricants locaux en fonction de leurs capacités de production », propose Loe Gisèle Etame, présidente de l’association. L’enjeu serait de sécuriser un débouché régulier pour l’industrie nationale sur le segment des génériques essentiels.

Cette « domestication » de la commande publique suppose toutefois des paiements effectifs et réguliers. Or, la Cename est réputée ne pas toujours régler ses fournisseurs dans les délais, ce qui fragilise la trésorerie et le cycle d’exploitation des entreprises pharmaceutiques locales. Sans amélioration des pratiques de règlement, le levier de la commande publique risque de rester largement inopérant, limitant l’impact des mesures de soutien à la production nationale, tant sur la structure du marché que sur les réserves en devises.

Brice R. Mbodiam





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