Pintade Cameroun ► Une viande devenue un luxe


Autrefois star des grandes tablées familiales, la pintade camerounaise est en train de disparaître des marchés de la capitale. Son prix, aujourd’hui compris entre 8 000 et 10 000 FCFA l’unité, en fait une viande d’exception inaccessible pour de nombreux ménages. « Je dépense plus de 6 000 F juste pour élever une pintade jusqu’à maturité », confie Madi Valdès, éleveur à Bafoussam. Pourquoi ce symbole du savoir-faire avicole national devient-il si rare ? Et que révèle cette flambée des prix sur nos habitudes alimentaires ?

Une volaille rare et coûteuse sur les marchés

À Yaoundé, les consommateurs peinent à trouver la fameuse poule du pharaon.
Entre le coût d’alimentation élevé, les maladies et la baisse du pouvoir d’achat, la pintade est devenue une viande de prestige. Dans plusieurs marchés comme Mvog-Ada ou Mokolo, les vendeurs confirment que les ventes s’effondrent.

« Les Camerounais ne connaissent pas bien la valeur nutritive de la pintade. Du coup, je suis obligée d’écouler mes stocks avec des pertes », raconte Jeanne Atefack, vendeuse depuis dix ans.

Les éleveurs, eux, évoquent un élevage exigeant : la pintade n’est pas un oiseau docile. Elle nécessite une surveillance constante, des enclos adaptés et des compléments nutritionnels plus chers que pour le poulet. Résultat : le coût de revient dépasse 6 000 FCFA, rendant le commerce peu rentable sans marges élevées.

Un produit de prestige pour une élite urbaine

Contrairement au poulet de chair vendu entre 2 000 et 2 500 F, la pintade s’adresse désormais à une clientèle spécifique : cadres, expatriés, restaurants haut de gamme et hôtels.
Dans les grandes surfaces, elle est souvent présentée comme une viande « bio », au goût plus fin et à la texture plus ferme.

« Le problème, c’est que ce n’est plus un aliment populaire. La pintade devient un produit de luxe alors qu’elle fait partie de notre patrimoine culinaire », regrette Jalal Mohamed, vendeur au marché Mvog-Ada.

Certains éleveurs militent pour des aides publiques et une meilleure vulgarisation de l’élevage local afin de démocratiser cette viande considérée comme plus saine et moins grasse que le poulet ou le porc.
Mais pour l’heure, l’absence de politique agricole incitative laisse le marché s’autoréguler — souvent au détriment des petits producteurs.

L’avenir de la pintade camerounaise en question

Face à la hausse du coût de la nourriture animale et à la rareté des incubateurs, les experts craignent une disparition progressive de la pintade des élevages familiaux.
Pourtant, elle représente un atout économique pour les zones rurales : sa viande se conserve mieux et son élevage valorise les sous-produits agricoles.

Des projets pilotes existent, notamment à Obala et à Bafia, mais restent encore marginaux.
Selon la FAO, une filière locale bien encadrée pourrait générer plus de 2 000 emplois directs et stabiliser les revenus de nombreux agriculteurs.
Encore faut-il que les consommateurs soient prêts à redécouvrir cette volaille traditionnelle.

Au Cameroun, la pintade n’est plus seulement un mets de fête : c’est le miroir d’une alimentation en pleine mutation, où les traditions se heurtent à la réalité économique.
Si rien n’est fait, elle risque de rejoindre la liste des produits réservés à une élite urbaine.
Alors, la pintade camerounaise peut-elle redevenir accessible à tous ? Ou restera-t-elle un symbole gustatif… pour quelques privilégiés ?



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