(Investir au Cameroun) – La loi de finances 2026 du Cameroun institue un certificat d’inspection pour les navires de pêche industrielle, facturé 1 million de FCFA par navire et par an, à acquitter au plus tard le 30 juin de l’année. Cette mesure s’inscrit dans l’élargissement de l’assiette fiscale pour accroître les recettes de l’État, tout en renforçant la transparence dans le secteur halieutique.
En 2025, le ministère de l’Élevage, des Pêches et des Industries animales (Minepia) a délivré 27 licences de pêche industrielle côtière aux chalutiers. Ces licences s’accompagnent d’une obligation de débarquer les captures dans les ports d’attache, afin que les volumes pêchés alimentent directement le marché local.
À travers la publication de la liste des navires autorisés à pêcher, le gouvernement entend améliorer la transparence dans la gestion, le suivi, le contrôle et la surveillance des activités de pêche, ainsi que la traçabilité des produits halieutiques. Cette démarche répond à des exigences internationales, notamment celles de la charte mondiale pour la transparence des pêches, qui regroupe des mesures destinées à faire sortir la pêche de l’ombre et à garantir la sécurité et la santé des océans.
Pression européenne et lutte contre la pêche INN
Le Cameroun dispose d’environ 400 km de côtes, sur lesquelles opèrent plus de 212 000 pêcheurs, en majorité étrangers, dont une partie de la production alimente des circuits informels vers leurs pays d’origine. En janvier 2023, le pays a été sanctionné d’un « carton rouge » par l’Union européenne (UE) pour son manque de coopération dans la gestion responsable des ressources marines. L’UE reprochait notamment au Cameroun de continuer à enregistrer des navires de pêche opérant en dehors de ses eaux, sans suivi effectif de leurs activités.
Cette sanction a conduit le gouvernement à intensifier la lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN). En 2024, le pays a ratifié le Protocole amendé de l’Accord de Marrakech de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Cet amendement intègre spécifiquement l’Accord du 17 juin 2022 sur les subventions à la pêche dans l’annexe 1A, afin de restreindre les subventions accordées aux activités qui contribuent à la surpêche et menacent la durabilité des ressources marines. Le Cameroun espère ainsi accéder aux financements du fonds sur la pêche de l’OMC pour améliorer la gestion halieutique et promouvoir une exploitation durable de ses ressources.
Des pertes économiques persistantes malgré la hausse des captures
Selon les chiffres officiels, la pêche INN, qui menace la durabilité des stocks de poisson et fragilise l’écosystème marin, fait perdre 20 milliards de FCFA par an au Cameroun. En 2023, les chalutiers sillonnant les eaux camerounaises ont ramené 19 157 tonnes de poisson, contre 14 929 tonnes en 2022. Cette hausse de 28 % représente 4 228 tonnes supplémentaires pour les étals des marchés locaux.
Cette embellie reste toutefois insuffisante au regard des besoins nationaux, estimés à 500 000 tonnes de poisson par an, contre une production évaluée à 230 000 tonnes en 2023. Le déficit de 270 000 tonnes est comblé par les importations, qui ont coûté 182,5 milliards de FCFA pour 234 572 tonnes en 2023, selon l’Institut national de la statistique (INS).
Le pari de l’import-substitution à l’horizon 2027
Pour inverser cette dépendance aux importations, le gouvernement ambitionne de porter la production de poisson à 600 000 tonnes en 2027, dans le cadre du Plan intégré d’import-substitution agropastoral et halieutique (Piisah). Évalué à 1 500 milliards de FCFA sur le triennat 2024-2026, ce plan vise à réduire significativement les importations de riz, maïs, blé, huile de palme, poisson, lait et autres céréales, en stimulant la production locale.
Le certificat d’inspection des navires de pêche industrielle s’inscrit dans cette stratégie : il renforce le contrôle de la flotte, améliore la traçabilité des captures et soutient les efforts de mise en conformité avec les standards internationaux, condition essentielle pour sécuriser des financements extérieurs et réduire les flux informels.
Frédéric Nonos
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