(Investir au Cameroun) – Le président Paul Biya a le 31 juillet 2025 signé trois décrets, habilitant le ministre en charge de l’économie la plannification et l’aménagement du territoire, à contracter des prêts d’un montant global de 125 milliards de francs CFA. Les créanciers de ces différentes opérations sont, la Banque africaine de développement, de la Standard Chartered Bank et du Fonds OPEP.
Le montant ciblé par ces différentes opérations represente l’équivalent de près d’un tiers du déficit budgétaire prévu dans le cadre de la loi des finances de 2025. Ces actions sont rendues possibles par une dette publique totale du pays atteignait 14 105 milliards de francs CFA fin juin 2025, soit 43 % du produit intérieur brut. Cette proportion reste inférieure au plafond de 70 % imposé par la communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC), même si elle grimpe chaque trimestre.
En effet, l’addition de 125 milliards en vingt-quatre heures représente déjà 1,3 % supplémentaire du PIB et viendra s’ajouter aux 1 259 milliards que l’État devra déjà consacrer au service de la dette entre 2025 et 2027. Cependant, les secteurs bénéficiaires de ces opérations, que sont l’agriculture, la santé et l’employabilité des jeunes, semblent justifier la démarche.
Le premier volet concerne l’agriculture, avec un prêt de 25 millions de dollars américains, soit près de 15 milliards de francs CFA, signé le 17 juin et ratifié hier avec le Fonds OPEP pour le développement international. Le projet vise la chaîne de valeur du riz, de la graine à l’étalage. Sur cinq ans, les autorités espèrent produire 120 000 tonnes de riz paddy supplémentaires, principalement dans les périmètres irrigués de Yagoua, Ndop et Nanga-Eboko.
L’objectif affiché est de réduire les importations de 50 millions de dollars par an, en supprimant progressivement l’achat de riz asiatique. Chaque milliard investi dans la filière devrait générer 1,8 milliard de recettes fiscales indirectes, grâce à la substitution des importations.
Le deuxième volet porte sur la santé. Vingt-trois millions d’euros, soit 15 milliards de francs CFA, seront mobilisés auprès de la Standard Chartered Bank de Londres, avec la garantie d’UK Export Finance. Cette enveloppe permettra la construction d’un hôpital gastro-pneumologique de 200 lits à Yaoundé-Jamot et d’un hôpital psychiatrique de 150 lits à Mfou, dans la banlieue sud-est de la capitale. Le coût par lit s’élève à 42,8 millions de francs CFA, un chiffre en-deçà des standards de l’OMS pour les établissements tertiaires.
Les autorités sanitaires tablent sur une baisse des dépenses de traitement à l’étranger, évaluées à 10 millions de dollars par an, et sur la création de mille emplois directs une fois les deux établissements pleinement opérationnels. Le principal obstacle restera la pénurie de personnel spécialisé ; le pays ne compte que 0,04 psychiatre pour 10 000 habitants, contre un seuil minimal de 1 recommandé par l’OMS.
Le troisième volet est consacré à l’Extrême-Nord, région qui compte le plus de personnes qualifiées de pauvres dans le pays avec 74 % de la population vivant avec moins de 2 $. La Banque africaine de développement apportera 136 millions d’euros, soit 95 milliards de francs CFA, pour un programme de renforcement des compétences et de l’employabilité. Il s’agit de former 35 000 jeunes, dont la moitié seront des femmes, et d’accompagner la création de 10 000 micro-entreprises dans huit départements.
Le financement concessionnel, à 1 % d’intérêt sur trente ans avec dix ans de différé, est assorti d’une contribution de l’État de 5 milliards et de 3 milliards de cofinancement technique. L’enjeu est de réduire de deux points le taux de chômage des jeunes dans la région, tout en atténuant les effets des déplacements forcés : 322 000 personnes ont déjà fui les violences de Boko Haram, selon le bureau de la coordination des affaires humanitaires.
Si les projets atteignent leurs cibles, le pays pourrait réduire de 30 % son déficit commercial céréalier et créer des dizaines de milliers d’emplois directs et indirects. Mais la Direction générale du budget l’a répété : chaque milliard emprunté doit désormais être couvert par un milliard de revenus futurs, faute de quoi les 125 milliards d’aujourd’hui deviendront les déficits de demain.
IL