Après la réélection de Paul Biya avec 53,66% des suffrages le 12 octobre 2025, la Russie multiplie les signaux diplomatiques vers Yaoundé. De la coopération militaire renforcée aux facilités de visas, Moscou déploie une stratégie d’influence massive en Afrique centrale. Le Cameroun devient-il le nouveau terrain de jeu géopolitique de Poutine ?
La guerre des influences bat son plein à Yaoundé. Depuis la cérémonie d’investiture de Paul Biya en décembre 2023, l’ambassadeur de Russie au Cameroun, Georgy Todua, n’a cessé de multiplier les déclarations amicales. « Le scrutin s’est déroulé selon les lois camerounaises, notamment la Constitution », a-t-il déclaré, saluant la prestation de serment du chef de l’État. Une position qui contraste avec les critiques occidentales habituelles. « Moscou nous respecte, c’est rare de nos jours », confie un cadre du ministère des Relations extérieures à Yaoundé. Mais que cache réellement cette offensive de charme russe ?
Une coopération militaire qui s’intensifie
Les relations diplomatiques entre le Cameroun et la Russie ne datent pas d’hier. Établies en 1964, elles ont progressivement évolué vers un partenariat multidimensionnel couvrant les domaines militaire, maritime, culturel et éducatif. Mais c’est l’accord de coopération militaire signé en avril 2022 qui marque un tournant décisif.
Ce partenariat stratégique, conclu pour cinq ans renouvelables, couvre la formation des forces, le génie militaire, la logistique et même la cyberdéfense maritime. Un volet sensible qui suscitait déjà des critiques internationales à l’époque de sa signature, mais que Yaoundé avait invoqué comme nécessaire pour « diversifier ses partenariats sécuritaires et économiques ».
Dans ses propos rapportés par Cameroon Tribune, l’ambassadeur Todua a réaffirmé la volonté de Moscou de renforcer cette coopération. « Le Cameroun est un pays ami qui a besoin de nous, et nous avons besoin de lui dans ce climat que nous pouvons travailler sérieusement pour matérialiser les accords signés par S.E. Vladimir Poutine et S.E. Paul Biya », a-t-il souligné.
Des gestes concrets qui parlent
Au-delà des discours, la Russie pose des actes concrets. En décembre 2023, Moscou a accordé des facilités de visas pour les détenteurs de passeports diplomatiques camerounais. Une mesure symbolique mais significative dans le contexte de restrictions de visas imposées par plusieurs pays occidentaux.
Lors du deuxième sommet Russie-Afrique de juillet 2023 à Saint-Pétersbourg, Paul Biya avait clairement affiché son soutien à Moscou face aux sanctions occidentales. « Il était de l’intérêt de la Fédération de Russie pour l’Afrique et ancien », avait-il déclaré, appelant à un renforcement de la collaboration face aux crises économiques et sécuritaires contemporaines.
Ce n’est pas du jeu si Moscou investit autant d’énergie diplomatique sur le Cameroun ! Le pays représente un hub stratégique en Afrique centrale, avec une influence qui rayonne sur toute la sous-région CEMAC.
Un terrain d’influence majeur pour le Kremlin
Cette intensification des relations s’inscrit dans la stratégie globale de la Russie en Afrique. Le Cameroun offre à Moscou plusieurs avantages : une position géographique stratégique sur le Golfe de Guinée, un marché économique important, et surtout une porte d’entrée vers l’Afrique centrale francophone traditionnellement sous influence occidentale.
Pour Yaoundé, ce rapprochement inscrit une dynamique pragmatique de diversification des partenariats. Face aux exigences parfois perçues comme intrusives des partenaires occidentaux sur la gouvernance et les droits humains, la coopération avec la Russie apparaît comme une alternative sans conditionnalités politiques.
Les domaines prioritaires identifiés par les deux parties incluent la défense, l’éducation, l’investissement et le développement de l’Afrique centrale. Des secteurs où Moscou entend jouer un rôle croissant, plaignant pour une coopération mutuellement bénéfique aux idéologiques, économiques, environnementales et sociales menacez.
Le regain d’activisme diplomatique russe dans la région témoigne d’un repositionnement stratégique alors que la Russie cherche à consolider sa présence en Afrique face aux sanctions européennes et asiatiques.
Le Cameroun deviendra-t-il le pivot de l’influence russe en Afrique centrale ?



