(Investir au Cameroun) – Le Cameroun dispose désormais de suffisamment de recul pour mesurer les effets de la taxe sur le mobile money instaurée le 1er janvier 2022. Selon un rapport du Fonds monétaire international (FMI), Taxing Mobile Money: Theory and Evidence, consulté par Investir au Cameroun, ce prélèvement de 0,2 % sur chaque opération de transfert et de retrait a profondément modifié l’économie des transactions électroniques dans un pays où le mobile money représentait déjà près de 50 % du PIB en volume en 2020.
La loi de finances 2022 a introduit une taxe proportionnelle de 0,2 % appliquée à l’envoi comme au retrait, de sorte qu’un cycle complet transfert puis retrait supporte une pression fiscale cumulée de 0,4 %. Sont toutefois exclus de cette taxe les virements bancaires, les dépôts dans les portefeuilles électroniques, les paiements aux marchands enregistrés, ainsi que les transactions destinées au règlement des impôts et taxes. En 2025, ce cadre a été alourdi par l’introduction d’un forfait fixe de 4 FCFA par transaction, qui s’ajoute à la taxe initiale.
Des coûts de transaction multipliés, jusqu’à +400 %
Selon le FMI, l’introduction de la taxe de 0,2 % n’a pas modifié la grille tarifaire des opérateurs pour les transferts, qui restait fixée à 1 % pour les montants de 50 à 6 500 FCFA, puis progressive (de 50 à 500 FCFA) pour les transactions jusqu’à 1 million FCFA. En revanche, son application a fortement relevé le coût total pour les usagers (frais de l’opérateur plus taxe).
Dans les faits, les transactions les plus petites ont vu leurs coûts augmenter d’environ 20 %, tandis que, dans les tranches les plus élevées, la hausse atteint 400 %, indique le rapport du FMI. L’institution précise par exemple : « dans la tranche 50 001-80 000 FCFA, la taxe s’élève à 100–160 FCFA, soit l’équivalent ou le double du tarif initial (100 FCFA). Dans la tranche supérieure 500 001-1 000 000 FCFA, la taxe représente 1 000 à 2 000 FCFA, soit 2 à 4 fois le coût préexistant (500 FCFA) ».
Des retraits renchéris malgré des ajustements tarifaires limités
Pour les retraits en espèces (« cash-outs »), les frais appliqués par les opérateurs, déjà plus élevés que ceux prélevés sur les transferts, n’ont connu que de très légères réductions après l’introduction de la taxe. Deux tranches seulement ont été ajustées : le coût est passé de 180 à 175 FCFA pour les retraits compris entre 6 500 et 10 000 FCFA, et de 1 350 à 1 300 FCFA pour ceux situés dans la tranche 50 001 à 80 000 FCFA.
Ces corrections marginales n’ont toutefois pas suffi à neutraliser l’effet de la taxe proportionnelle de 0,2 %. Au total, le coût global d’un retrait (frais de l’opérateur plus taxe) a augmenté de 4 % à 28 %, selon le montant de l’opération.
Un risque pour l’inclusion financière, selon le FMI
Dans un rapport publié en mars 2022, au lendemain de l’institution de la TTA au Cameroun, le FMI alerte sur les effets redistributifs de cette fiscalité sectorielle. L’institution de Bretton Woods estime que « taxer l’argent mobile peut être fiscalement inéquitable et entraver le faible niveau actuel d’inclusion financière ».
Elle souligne que « les segments pauvres et non bancarisés de la population, qui vivent souvent dans des zones rurales et sont confrontés à des coûts de transaction élevés de la part des banques formelles, sont négativement affectés par la mesure ». Autrement dit, la combinaison d’une taxe proportionnelle, d’un forfait fixe par transaction et de frais de retrait déjà élevés renchérit un outil de paiement devenu central pour les ménages et les acteurs économiques les plus dépendants des services financiers mobiles.
Amina Malloum
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