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Le roi Sokoudjou déclenche une tempête culturelle à Bamendjou


La paisible chefferie de Bamendjou, nichée au cœur des hauts plateaux de l’Ouest Cameroun, est en ébullition. Sa Majesté Jean Rameau Sokoudjou, le roi des Bamendjou, vient de poser un acte qui fait grincer des dents et soulève une vague d’indignation parmi les gardiens de la tradition bamiléké. Le monarque a osé l’impensable : décerner un titre de notabilité au Nonce Apostolique, Monseigneur José Avelino Bettencourt. Un geste qui, pour beaucoup, sonne comme une trahison des valeurs ancestrales.

Un titre sacré pour un représentant du Vatican

« Wouambe Sa’Agouong », littéralement « celui qui dirige le peuple ». C’est sous ce titre prestigieux que le roi Sokoudjou a intronisé le représentant du Saint-Siège au Cameroun et en Guinée Équatoriale. Un honneur habituellement réservé aux plus hauts dignitaires de la tradition bamiléké, accordé à un homme d’Église étranger. Cette décision a eu l’effet d’un coup de tonnerre dans un ciel serein.

Pour comprendre l’ampleur de la controverse, il faut saisir l’importance des titres de notabilité dans la culture bamiléké. Ces distinctions ne sont pas de simples médailles qu’on épingle sur un revers de veste. Elles sont l’incarnation même du pouvoir traditionnel, le ciment qui lie le peuple à ses racines. En accordant un tel titre à un représentant de l’Église catholique, le roi Sokoudjou a, aux yeux de nombreux villageois, franchi une ligne rouge.

Une communauté divisée face à un geste controversé

La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre dans les collines verdoyantes de Bamendjou. Dans les marchés, les bars de quartier et même au sein des familles, les discussions vont bon train. « Notre roi a-t-il perdu la raison ? » s’interroge Mama Justine, une commerçante. « Comment peut-il donner nos secrets à un étranger ? » renchérit Papa Fongang, un notable visiblement ébranlé par la décision royale.

Ces réactions illustrent une crainte profonde : celle de voir le patrimoine culturel bamiléké dilué, voire bradé, au profit d’influences extérieures. Certains vont même jusqu’à accuser le roi Sokoudjou de vouloir céder l’héritage ancestral à l’Église catholique. Une accusation grave dans une région où la tradition est considérée comme le dernier rempart contre la mondialisation galopante.

Entre tradition et modernité : le dilemme royal

Pourtant, les défenseurs du roi Sokoudjou voient dans ce geste une tentative audacieuse de jeter des ponts entre tradition et modernité. « Notre culture ne doit pas être un musée figé », argumente Tagne Fotsing, un jeune intellectuel de Bamendjou. « Elle doit évoluer pour survivre, et le roi l’a bien compris. »

Cette vision progressiste se heurte cependant à la méfiance d’une population attachée à ses racines. Le spectre de la colonisation, encore vivace dans les mémoires, alimente les craintes d’une « nouvelle invasion culturelle », cette fois-ci sous couvert de religion.

Le geste du roi soulève également des questions sur le rôle de la chefferie traditionnelle dans le Cameroun moderne. Comment ces institutions séculaires peuvent-elles s’adapter sans perdre leur essence ? C’est tout l’enjeu du débat qui agite actuellement Bamendjou et, par extension, l’ensemble du pays bamiléké.

Un appel à la vigilance pour protéger l’héritage bamiléké

Face à cette situation explosive, des voix s’élèvent pour appeler à la prudence et au dialogue. « Nous devons protéger notre patrimoine sans nous fermer au monde », plaide Maman Françoise. « Il faut comprendre les intentions du roi avant de le condamner. »

Cette crise met en lumière la nécessité urgente de mettre en place des mécanismes de protection du patrimoine culturel bamiléké. Des initiatives comme la création de musées vivants, la documentation des rites et coutumes, ou encore l’éducation des jeunes générations aux valeurs traditionnelles pourraient être des pistes à explorer.

Le roi Sokoudjou, quant à lui, reste pour l’instant silencieux face à la tempête qu’il a déclenchée. Son mutisme ne fait qu’alimenter les spéculations et les inquiétudes. Une chose est sûre : la décision d’honorer le Nonce Apostolique d’un titre traditionnel restera dans les annales de Bamendjou comme un moment charnière, pour le meilleur ou pour le pire.

Par Jean-Claude Mballa, 237online.com



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