Dans ce qui devait être une opération humanitaire de grande envergure, le passage du navire-hôpital chinois « Peace Ark » à Douala s’est transformé en un véritable fiasco, révélant au grand jour les failles béantes de la coopération sino-camerounaise en matière de santé. Du 7 au 14 octobre 2024, ce qui était annoncé comme une aubaine pour les Camerounais s’est avéré être un mirage cruel, laissant un goût amer dans la bouche de milliers de patients déçus et indignés.
Une promesse de soins gratuits qui tourne au cauchemar
L’arrivée du « Peace Ark » au port autonome de Douala avait suscité un immense espoir. On promettait monts et merveilles : opérations chirurgicales, traitements de maladies infectieuses et chroniques, soins pédiatriques, dentaires, ophtalmologiques, orthopédiques et gynécologiques. Tout cela, gratuitement ! Une aubaine dans un pays où l’accès aux soins reste un luxe pour beaucoup.
Mais dès les premiers jours, la désillusion a été totale. « C’était comme si on nous avait vendu du rêve pour nous servir un cauchemar », témoigne Marthe Ekollo, mère de trois enfants venue pour une consultation pédiatrique. « Nous avons attendu des heures sous un soleil de plomb pour finalement être reçus par des étudiants qui parlaient à peine français ou anglais. »
Des « médecins » stagiaires et une pénurie de médicaments
Le tableau est accablant. Au lieu des équipes médicales chevronnées promises, ce sont des étudiants en médecine chinois qui ont assuré la majorité des consultations. Une situation non seulement dangereuse mais aussi illégale, comme le souligne le Dr. Nkodo, président de l’Ordre des médecins du Cameroun : « Faire pratiquer des actes médicaux par des étudiants étrangers non habilités est une violation flagrante de nos lois sur l’exercice de la médecine. »
Pire encore, la pharmacie du navire semblait aussi vide que les promesses étaient creuses. Paracétamol et ibuprofène étaient les seuls médicaments distribués, quelle que soit la pathologie. « On m’a diagnostiqué une infection urinaire et on m’a donné du paracétamol. C’est une blague ? », s’indigne Joseph Mbarga, un patient exaspéré.
Une opération de communication qui tourne au fiasco diplomatique
Ce qui devait être une vitrine de l’amitié sino-camerounaise s’est transformé en un désastre diplomatique. Les réseaux sociaux camerounais ont explosé de colère, mettant en lumière les nombreux projets chinois au Cameroun qui ont tourné court ou n’ont jamais vu le jour.
« C’est le énième exemple de ces coopérations en trompe-l’œil », analyse Pierre Fongue, expert en relations internationales. « On nous vend du rêve, on fait de grandes annonces, et au final, c’est du vent. Pendant ce temps, nos hôpitaux tombent en ruine et nos médecins s’exilent. »
Un réveil douloureux pour les autorités camerounaises
Face à ce fiasco, les autorités camerounaises sont restées étrangement silencieuses. Cette absence de réaction officielle n’a fait qu’attiser la colère de la population.
« Pourquoi mendier des soins sur un bateau alors qu’on pourrait construire des hôpitaux dignes de ce nom ? », s’interroge Marie Atangana, infirmière à Yaoundé. « Nos dirigeants préfèrent les solutions de façade plutôt que de s’attaquer aux vrais problèmes. »
Cette débâcle sanitaire soulève des questions cruciales sur la gestion de la santé publique au Cameroun et sur la nature réelle des partenariats internationaux.
Vers une remise en question de la coopération sino-camerounaise ?
L’échec cuisant du « Peace Ark » pourrait bien marquer un tournant dans les relations entre le Cameroun et la Chine. De plus en plus de voix s’élèvent pour demander une révision en profondeur des accords de coopération, notamment dans le domaine de la santé.
« Il est temps que le Cameroun prenne son destin en main », affirme le Pr. Tchoungui, économiste à l’Université de Yaoundé II. « Nous avons les ressources et les compétences pour développer notre propre système de santé. Ces opérations de communication ne font que retarder les vraies solutions. »
Alors que le « Peace Ark » s’apprête à quitter les eaux camerounaises, il laisse derrière lui un sillage d’amertume et de questions. Cette expérience désastreuse sera-t-elle le catalyseur d’un véritable changement dans la politique de santé du Cameroun ? Ou ne sera-t-elle qu’un scandale de plus, vite oublié ?
Une chose est sûre : les Camerounais méritent mieux que des promesses creuses et des solutions miracles venues d’ailleurs. Il est grand temps que la santé devienne une véritable priorité nationale, avec des investissements concrets et durables. Le navire-hôpital chinois a peut-être fait naufrage, mais c’est toute la politique de santé du Cameroun qui est à la dérive.