(Investir au Cameroun) – L’utilisation du Mobile Money, service permettant d’effectuer des transactions financières – dépôts et retrais d’argent sur porte monnaie électronique, transfert d’argent, divers paiements marchands, paiements de factures, souscription de polices d’assurance, microcrédits, etc. – à partir du téléphone portable s’incruste davantage dans les habitudes des populations camerounaises, au fil des années. Selon le rapport sur les services de paiement dans la zone Cemac (Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, Tchad et RCA), le volume de transactions par Mobile Money au Cameroun a été multiplié par 3,6 au cours de la période de cinq ans allant de 2019 à 2023, tandis qu’en valeur, ces opérations ont été multipliées par 2,5.
Concrètement, révèle le document que vient de publier la BEAC, l’institut d’émission des six pays de la Cemac, les opérations Mobile Money effectuées sur le territoire camerounais ont totalisé 22 137 milliards de FCFA en 2023, alors qu’elles avaient culminé à seulement 8812,1 milliards de FCFA en 2019. L’analyse des données de la banque centrale permet de constater un accroissement soutenu de la valeur de ces opérations au cours de la période, au rythme de 2 000 à 5 000 milliards de FCFA chaque année.
Cette augmentation de la valeur des opérations Mobile Money est corrélée à une hausse tout aussi importante du nombre de transactions. En 2023, quelques 2,2 milliards de transactions ont été effectuées au Cameroun par Mobile Money, contre seulement 615 millions en 2019. A en croire les données de la banque centrale, la barre du million de transactions a été franchie pour la première fois dans le pays en 2021, avant d’exploser en 2023 avec plus de 600 millions de transactions supplémentaires sur un an. Ceci après des progressions annuelles plus modestes, comprises entre 200 et 400 millions d’opérations supplémentaires chaque année.
Une montée en puissance portée par les actions de promotion
Les évolutions observées sur le marché du Mobile Money sont le résultat des effets combinés du taux de pénétration du mobile au sein de la population camerounaise, – plus de 80% – et des actions de promotions – baisse ou suppression des frais sur des paiements marchands – initiées par les opérateurs du Mobile Money. Ces opérations se sont d’ailleurs intensifiées depuis le déclenchement de la pandémie du coronavirus en 2020. Durant cette période, l’usage du Mobile Money s’est intensifié en raison du confinement de la population, condamnant celle-ci à effectuer des opérations à distance.
L’embellie observée sur le marché du Mobile Money, qui se positionne ainsi comme un outil stratégique d’inclusion financière au Cameroun, s’explique également par le taux de pénétration de l’internet. Cet indicateur ressort à plus de 40% selon le rapport intitulé « Etat du développement numérique et tendances en Afrique : défis et opportunités », publié en avril 2025 par l’Union internationale des télécommunications (UIT). En effet, l’internet permet d’accéder aux plateformes de paiement intégrant des services Mobile Money.
Au demeurant, la bonne tenue des transactions financières par mobile au Cameroun se fait dans un contexte de renchérissement des coûts des opérations, en dépit des promotions lancées par les opérateurs. En effet, pour tirer profit de l’explosion de cette activité, le gouvernement camerounais a institué, depuis le 1er janvier 2022, la taxe sur les transferts d’argent (TTA) par voie électronique. Celle-ci correspond à 0,2% du montant des opérations de transfert d’argent réalisées par tout moyen ou support technique laissant trace, notamment par voie électronique, téléphonie mobile, télégraphique ou par voie de télex ou télécopie… Cette taxe est également applicable à tous les retraits en numéraire consécutifs à un transfert d’argent effectué auprès des établissements financiers ou des entreprises de téléphonie mobile.
La taxation des transactions inquiète le FMI
Le gouvernement ambitionne de collecter en moyenne 20 milliards de FCFA sur cette taxe chaque année, selon les prévisions du ministère des Finances. En 2025, cette taxation du Mobile Money a été revue à la hausse. En effet, dans la circulaire relative à l’exécution de la loi de finances 2025, publié le 31 décembre 2024, Louis Paul Motazé, le ministre des Finances, révèle en ce qui concerne le Mobile Money, «l’institution d’un droit spécifique par transaction de 4 FCFA, en sus du taux proportionnel existant – C’est à dire la TTA. Ce droit s’applique également aux transactions réalisées par les banques, les établissements de crédit et de microfinance, jusque-là exonérés du taux proportionnel ».
Cependant, alors que le Mobile Money et les autres opérations financières par voie électronique sont désormais considérés comme une nouvelle niche de recettes par l’État du Cameroun, la TTA suscite des inquiétudes dans certaines institutions financières internationales. Par exemple, dans un rapport publié en mars 2022, le Fonds monétaire international (FMI) estime que « taxer l’argent mobile peut être fiscalement inéquitable et entraver le faible niveau actuel d’inclusion financière ». Pour cette institution de Bretton Woods, « les segments pauvres et non bancarisés de la population, qui vivent souvent dans des zones rurales et sont confrontés à des coûts de transaction élevés de la part des banques formelles, sont négativement affectés par la mesure ».
Pour rappel, le Cameroun est le roi du Mobile Money dans la zone Cemac. Selon le rapport de la BEAC sur les services de paiement en 2023, le pays abrite tout seul 62,11% des comptes recensés dans cet espace communautaire, 63,58% du volume des transactions et concentre 76,57% de la valeur des opérations.
Brice R. Mbodiam
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