Treize ans à la tête des services de renseignement extérieur avant une chute aussi brutale qu’inattendue. Léopold Maxime Eko Eko, l’ancien tout-puissant directeur de la DGRE, attend depuis plus de deux ans dans les geôles de Kondengui le verdict dans l’affaire Martinez Zogo. Alors que le procès se poursuivra le 15 mai prochain, l’homme qui fut l’un des plus discrets mais influents serviteurs du régime Biya dénonce une machination politique orchestrée contre lui. Quels secrets menacent réellement les hautes sphères du pouvoir camerounais?
Renseignement camerounais: les zones d’ombre d’une arrestation controversée
L’arrestation de celui qui dirigeait les services extérieurs depuis 2010 s’est déroulée dans des conditions pour le moins troublantes. Le 31 janvier 2023, convoqué par le ministre délégué à la Défense Joseph Beti Assomo pour un simple «entretien de routine», Eko Eko s’est retrouvé piégé au Secrétariat d’État à la défense. «Des individus qui auraient pu, et peut-être auraient dû, attenter à ma vie», confie-t-il dans un document classé, révélant l’ampleur du traumatisme.
Durant plus d’un mois, cet expert du renseignement a été détenu dans les mêmes conditions que les sécessionnistes anglophones qu’il avait lui-même fait arrêter. Une ironie du sort qui n’a pas échappé à ses proches, convaincus qu’il paie son indépendance face aux clans qui s’affrontent dans la course à la succession de Paul Biya.
Ce «divergent», comme il aime se définir, a pourtant un parcours d’une rare exemplarité. Major de promotion de l’École nationale supérieure de police française de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or en 1995, il a transformé la DGRE en introduisant des méthodes managériales issues du secteur privé où il avait exercé chez British American Tobacco.
Les enquêtes sensibles menées sous sa direction auraient mis en lumière de nombreux scandales: détournements des fonds de la CAN 2018, malversations dans la gestion des ressources allouées à la lutte contre le Covid-19, et d’autres dossiers impliquant de hauts responsables. Certains verraient d’un bon œil son éloignement définitif de Yaoundé.
Face aux accusations portées contre lui dans l’affaire Martinez Zogo, Léopold Maxime Eko Eko maintient qu’il ne connaît pas Jean-Pierre Amougou Belinga, principal accusé dans ce meurtre. Il affirme n’avoir croisé l’homme d’affaires qu’une seule fois lors d’une invitation à un baptême qu’il avait déclinée.
Dans un système où les services parallèles se livrent une guerre sourde, le procès qui reprend le 15 mai prochain devra déterminer si l’ancien patron des renseignements extérieurs était au courant des agissements de Justin Danwe, son chef des opérations, qui a reconnu avoir organisé l’enlèvement de l’animateur radio.
Est-ce vraiment la justice qui s’exprime dans cette affaire, ou assistons-nous aux derniers épisodes d’une bataille de pouvoir en vue de la succession présidentielle?