(Investir au Cameroun) – La société minière camerounaise Jam’s Avenir envisage de saisir les juridictions compétentes suite à son exclusion du site aurifère de Kambelé, dans la région de l’Est. « Nous n’hésiterons pas à utiliser toutes les voies légales à notre disposition. Nous finirons nécessairement devant les tribunaux », a déclaré l’avocat de l’entreprise, dénonçant une décision « inattendue et contraire aux procédures légales ».
Selon Jam’s Avenir, le ministère des Mines n’a pas notifié cette décision par les canaux officiels. « Nous avons découvert le retrait de notre permis non pas par les voies réglementaires, mais via les réseaux sociaux. Cela en dit long sur l’intention des autorités », déplore l’avocat. L’entreprise affirme n’avoir reçu aucune mise en demeure préalable et précise avoir dépassé la phase d’exploration, s’étant engagée dans des négociations avancées pour obtenir un permis d’exploitation de petite mine. Interrogée sur les investissements déjà consentis, la société minière évoque des dépenses de plusieurs milliards de FCFA. Depuis août 2024, elle détenait le seul permis de recherche actif sur le site et affirme avoir financé des études complètes, préparant ainsi l’étape de l’exploitation industrielle.
Une décision venue de la présidence
Le 22 juillet 2025, une correspondance signée par le secrétaire général de la présidence, Ferdinand Ngoh Ngoh, et adressée au ministre par intérim des Mines, Fuh Calistus Gentry, indique que, sur instruction du chef de l’État, l’exploitation du site est désormais réservée aux artisans riverains, excluant de facto Jam’s Avenir. « D’ordre du président de la République, j’ai l’honneur de vous répercuter les très hautes instructions prescrivant que l’exploitation du minerai d’or du site de Kambelé, initialement concédée à la société Jam’s Avenir Sarl, soit exclusivement réservée aux artisans riverains dudit site », précisait la note officielle.
Selon le communiqué du 13 août du ministère des Mines, de l’Industrie et du Développement technologique, le site de Kambelé a été reversé « dans le domaine public (domaine minier national libre) » et constitue désormais une « zone de protection et d’exclusion d’activités de recherche, d’exploitation industrielle et d’exploitation artisanale semi-mécanisée ». Le ministère précise qu’il « n’a jamais délivré d’autorisation d’exploitation artisanale semi-mécanisée à quelque opérateur que ce soit » et que « le recours à des partenaires expatriés demeure contraire à l’esprit ». Seules sont autorisées « les activités d’exploitation artisanale stricto sensu par les riverains autochtones ».
Cette décision fait suite à une grogne sociale survenue le 11 juin à Batouri, où des manifestants dénonçaient l’exploitation du site par Jam’s Avenir et son partenaire technico-financier Codias, dirigé par le député Bonivan Mvondo Assam. Certaines sources évoquent toutefois l’influence d’élites locales dans l’amplification des tensions.
Un site au cœur des controverses
Le gisement de Kambelé n’en est pas à sa première polémique. Il a déjà été le théâtre d’exploitations illégales par des sociétés chinoises, qui, sous couvert de permis artisanaux obtenus auprès de riverains, menaient en réalité une exploitation semi-mécanisée, normalement réservée aux sociétés camerounaises selon le Code minier. Plusieurs opérateurs ont été condamnés par la justice. Dans ce contexte, le ministère des Mines avait suspendu à plusieurs reprises les activités sur le site avant de les réautoriser, tout en appelant Jam’s Avenir à intégrer les revendications des communautés locales.
Avec la décision de réserver officiellement l’exploitation aux artisans riverains, l’État espère apaiser les tensions sociales. Mais cette mesure pourrait ouvrir un nouveau front : Jam’s Avenir envisage de contester la décision des autorités afin d’obtenir réparation pour le retrait jugé abusif de son permis et pour les investissements déjà engagés sur le site. Cette situation illustre le dilemme auquel le Cameroun est confronté : concilier sécurité juridique pour les investisseurs et pression sociale des communautés locales.
Amina Malloum
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