Issa Tchiroma Bakary, figure emblématique de 75 ans, vient de vivre un épisode qui résume parfaitement les tensions de la présidentielle camerounaise 2025. L’ancien ministre de l’Emploi et candidat déclaré a été empêché d’embarquer à l’aéroport de Yaoundé-Nsimalen alors qu’il se rendait au Sénégal pour se recueillir sur la tombe d’Ahmadou Ahidjo. Une interdiction de voyage qui fait déjà grand bruit dans la classe politique et soulève des questions sur la liberté de mouvement des candidats à trois mois du scrutin.
De fidèle allié à opposant déterminé
L’ingénieur ferroviaire devenu politique
Né vers 1949 à Garoua dans le Nord-Cameroun, Issa Tchiroma Bakary a d’abord été ingénieur ferroviaire avant de basculer dans la politique. Président du Front pour le salut national du Cameroun (FSNC), il était longtemps allié au Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) du président Paul Biya.
Son parcours gouvernemental impressionne par sa longévité. Ministre des Transports de 1992 à 1996, puis de la Communication de 2009 à 2019, il a été l’un des plus fervents défenseurs du régime. De 2019 à juin 2025, il dirigeait le ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle.
Rupture spectaculaire avec le régime
Le tournant survient le 24 juin 2025. Issa Tchiroma Bakary démissionne du gouvernement et, en moins de vingt-quatre heures, officialise sa candidature à l’élection présidentielle camerounaise de 2025.
« Je suis candidat à la présidence de la République, parce que je rêve d’un Cameroun qui s’affirme avec force sur la scène internationale », déclare-t-il dans sa lettre aux Camerounais.
Interdiction de voyage : Tension maximale
Blocage à l’aéroport de Nsimalen
L’incident survient ce matin à l’aéroport international de Yaoundé-Nsimalen. Alors qu’il s’apprêtait à embarquer pour Dakar, dans le but de se recueillir sur la tombe de l’ancien président Ahmadou Ahidjo, cette décision inattendue n’a pas toutefois livré ses raisons.
Selon les informations recueillies, des officiers en uniforme sont montés à bord, ont demandé à l’ancien ministre de la Communication de les suivre, et l’ont ramené avec sa fille à travers la passerelle d’embarquement. Pas de mandat, pas d’ordre écrit, même pas une capture d’écran de téléphone ; juste la phrase que les Camerounais connaissent par cœur : « Instructions d’en haut ».
Message Politique de Résistance
Face à cette interdiction, Issa Tchiroma ne cache pas sa colère dans son message aux Camerounais du document source. « Lorsqu’un candidat à l’élection présidentielle est empêché de voyager, c’est tout un peuple qu’on empêche de respirer », martèle-t-il.
L’ancien ministre y voit « la preuve éclatante que le système en place redoute la vérité et craint la transition que nous portons« . Il appelle à l’unité : « Opposition, société civile, diaspora, patriotes lucides, unissons-nous pour dire stop à la confiscation du pouvoir« .
Stratégie politique et enjeux 2025
Candidat de la transition
L’ancien ministre Issa Tchiroma Bakary s’est positionné comme le « Candidat de la Transition » pour l’élection présidentielle du 12 octobre prochain. « Le moment est venu pour le régime en place de se retirer avec dignité », a-t-il lancé, appelant à rompre avec « un modèle en place depuis des décennies qui a montré ses limites ».
Son programme vise à réconcilier un pays confronté aux crises anglophones, à l’insécurité dans l’Extrême-Nord et aux tensions socioéconomiques persistantes.
Impact sur le paysage électoral
Dans le même temps, deux anciens ministres, Issa Tchiroma Bakary et Bello Bouba Maïgari, se sont déclarés candidats, rompant avec leur long soutien au président sortant. Tous deux originaires du nord du pays, région clé électoralement, ils pourraient déstabiliser l’équilibre régional.
Cette candidature s’inscrit dans un contexte où plusieurs soutiens traditionnels du président Paul Biya semblent prendre leurs distances.
Le symbole d’Ahmadou Ahidjo reste fort au Cameroun. En voulant se rendre sur sa tombe, Issa Tchiroma cherchait probablement à s’approprier l’héritage du premier président camerounais, décédé en exil au Sénégal.
Une visite à Dakar aurait produit des images d’un candidat en service s’agenouillant sur la tombe d’Ahidjo. Rien ne transperce le mythe de l’inévitabilité de Biya comme un rival revendiquant l’héritage du père fondateur.
Cette interdiction de voyage intervient alors que le Conseil constitutionnel doit se prononcer sur la validité des candidatures, notamment celle controversée de Maurice Kamto que Tchiroma soutient publiquement.
Quel sera l’impact réel de cette restriction sur la dynamique électorale camerounaise ?