(Investir au Cameroun) – Le Cameroun se prépare à se raccorder au câble sous-marin Medusa, l’un des plus vastes projets de connectivité entre l’Europe, la Méditerranée et l’Afrique de l’Ouest. Cette nouvelle liaison portera à cinq le nombre de systèmes internationaux desservant le pays, dans un contexte de forte croissance de la demande en Internet haut débit sur le continent. Mais elle intervient alors que Camtel n’exploite qu’une faible part des capacités déjà disponibles, posant la question de la soutenabilité de son modèle économique.
Lors de la présentation du budget 2026 de son département ministériel à l’Assemblée nationale, la ministre des Postes et Télécommunications, Minette Libom Li Likeng, a annoncé que le Cameroun prépare son raccordement au câble sous-marin Medusa, désormais étendu à l’Afrique de l’Ouest. Ce raccordement sera assuré par Camtel, concessionnaire unique du backbone national et gestionnaire des atterrissements de câbles sous-marins du pays. « Pour ce qui est de la société Camtel, il s’agira de mener des projets suivants : le projet de raccordement du Cameroun au câble sous-marin Medusa », a indiqué la ministre.
Avec Medusa, le Cameroun portera à cinq le nombre de systèmes internationaux auxquels il est connecté, après le South Atlantic Inter Link (SAIL), le West African Submarine Cable (WACS), le South Atlantic Telecommunications Cable n°3/South Africa Far East (SAT-3) et le Nigeria Cameroon Submarine Cable Systems (NCSCS). Cette montée en capacité est stratégique, alors que le continent connaît une explosion de la demande en Internet haut débit.
Selon les informations d’Investir au Cameroun, le projet de Memorandum of Understanding (MoU) élaboré par les parties prenantes a été transmis à la présidence de la République et n’attend plus que le « haut accord » du chef de l’État [À vérifier]. Le projet se situe ainsi dans une phase avancée de validation institutionnelle, préalable au lancement opérationnel des travaux de raccordement.
Lancé en 2022, le câble Medusa est une infrastructure de plus de 8 700 km, reposant sur 24 paires de fibres pour une capacité totale de 480 térabits. Il relie déjà le Maroc, le Portugal, l’Espagne, la France, l’Algérie, la Tunisie, l’Italie, la Grèce, Chypre et l’Égypte. Son coût global, de 342 M€ (224 Mds FCFA), est financé par AFR-IX Telecom, Orange et l’Union européenne. La Banque européenne d’investissement (BEI) a accordé une subvention de 40 M€ pour son déploiement.
En mars 2025, la Commission européenne a débloqué 14,3 M€ supplémentaires pour étendre Medusa vers l’Afrique de l’Ouest, avec un double objectif : renforcer la résilience numérique de la région et abaisser le coût de la bande passante internationale. Selon une étude de la Banque mondiale (juillet 2024), le doublement de la capacité internationale entraîne une baisse moyenne de 7 % des prix du haut débit fixe et de 13 % pour le mobile en Afrique, ce qui nourrit les attentes autour des effets de Medusa sur les tarifs finaux.
Un défi d’exploitation pour Camtel
Le raccordement à Medusa intervient dans un contexte paradoxal : Camtel n’exploite aujourd’hui que 16 % des capacités cumulées de ses quatre câbles sous-marins, selon un rapport de la Chambre des comptes publié en juin 2024. Dans le détail, l’entreprise n’utilise que 6 % du SAIL, 57 % du WACS, 29 % du SAT-3 et 92 % du NCSCS, illustrant des niveaux de mobilisation très contrastés selon les routes.
Pour expliquer cette sous-utilisation, la direction générale de Camtel met en avant le faible taux de pénétration d’Internet dans la sous-région, alors que les projections initiales misaient sur une croissance rapide de la demande en bande passante. Elle souligne également que 83 % du trafic Internet africain est orienté vers l’Europe, ce qui réduit l’intérêt du câble SAIL et explique en partie son très faible taux d’exploitation.
L’entreprise incrimine par ailleurs les coûts de transit et de terminaison du trafic au Cameroun, jugés éloignés des standards mondiaux. « Ces prix ont une incidence directe sur le prix de détail des communications électroniques et peuvent effectivement ralentir le marché », justifie la société publique, pointant un frein à la massification de la demande.
La Chambre des comptes recommande, de son côté, une optimisation de la facturation annuelle sur la base des capacités réellement exploitées. Elle estime, par exemple, que les recettes pourraient atteindre 2,1 milliards FCFA pour le WACS, 9,3 milliards pour le SAT-3 et 2,2 milliards pour le NCSCS, sur la base des projections faites en 2014. La sous-utilisation persistante des câbles sous-marins continue ainsi de poser la question de la viabilité du modèle économique actuel et de la capacité du Cameroun à tirer pleinement parti de ses infrastructures numériques pour renforcer sa compétitivité.
Amina Malloum



