Interconnexion électrique Cameroun-Tchad : un déficit moyen de 150 milliards FCFA freine la mise en œuvre du projet


(Investir au Cameroun) – Le Projet d’interconnexion des réseaux électriques du Cameroun et du Tchad (Pirect) avance, mais reste confronté à un obstacle majeur : son financement. À l’issue de la dernière revue trimestrielle du projet, tenue du 7 au 10 mai 2025, il a été établi qu’en moyenne, 150 milliards FCFA supplémentaires seront nécessaires pour concrétiser les différentes variantes à l’étude. Un déficit qui menace les ambitions d’un projet censé transformer l’accès à l’électricité dans la région et renforcer l’intégration énergétique entre les deux pays.

Le Pirect se déploie en deux grandes phases. La première vise à relier le Réseau interconnecté Sud (RIS), qui alimente sept des dix régions camerounaises, au Réseau interconnecté Nord (RIN), couvrant l’Extrême-Nord, le Nord et l’Adamaoua. La seconde phase, transfrontalière, doit permettre au Cameroun de devenir exportateur d’électricité vers le Tchad, avec une puissance contractuelle de 100 mégawatts (MW). Cette intégration représente une avancée majeure pour la stabilité énergétique de l’Afrique centrale.

Trois tracés, trois coûts, une même urgence

Au cœur du projet, plusieurs scénarios techniques sont en balance. Le plus abouti, baptisé « option complétude », est également le plus ambitieux en matière d’impact social. Il prévoit la connexion de 409 villages sur le corridor du projet, avec 100 % des branchements électriques assurés, permettant une desserte effective des populations riveraines. Toutefois, à ce jour cet itinéraire ne peut être financé qu’à moitié, avec seulement 142 milliards FCFA mobilisés sur 285 milliards FCFA nécessaires. 143 milliards de FCFA restent donc à lever, malgré les promesses déjà formulées.

Deux autres scénarios — l’« option Yagoua-Kousseri » et l’« option Kousseri » — sont également en lice, bien qu’ils présentent des limites en termes de couverture locale. Le premier, qui propose un tracé depuis Maroua vers les villes frontalières de Yagoua et Kousseri, nécessiterait 300 milliards FCFA, avec un besoin additionnel de 157 milliards FCFA. Il permettrait l’électrification de 149 villages, soit seulement 46 % du total envisagé, et sans branchement immédiat.

“Quant à l’option Kousseri, elle prévoit une ligne partant de Wouro Soua (Adamaoua) vers Kousseri via Garoua et Maroua, pour un coût estimé à 298 milliards FCFA. Le besoin de financement complémentaire s’élève à 15 milliards FCFA, selon les estimations du Pirect. Les différences entre les deux options sont donc minimes sur le plan budgétaire.”

Un projet financé à 82 %, mais un trou à combler

À ce jour, le montant cumulé des engagements financiers pour ce projet s’élève à 461,1 milliards FCFA, soit environ 82 % du coût global de l’initiative, évalué à 557,5 milliards FCFA. Ces ressources proviennent principalement des partenaires internationaux. Notamment la Banque mondiale : 38 % (177 milliards FCFA) ; la Banque africaine de développement : 32 % (147 milliards FCFA) ; la Banque islamique de développement : 17 % (80 milliards FCFA) et l’État du Cameroun : 12 % (55 milliards FCFA).

Mais malgré ces appuis, le gap de financement demeure, surtout si le gouvernement opte pour l’un des tracés les moins inclusifs en termes d’accès à l’énergie. L’urgence est d’autant plus pressante qu’une partie de l’énergie à exporter est déjà produite par le barrage hydroélectrique de Nachtigal, mis en service récemment, avec une capacité installée de 420 MW.

Impact socioéconomique

Au-delà des chiffres, ce projet d’interconnexion électrique représente une opportunité de transformation socio-économique majeure pour des milliers de ménages vivant dans les zones les plus enclavées du pays. L’accès à une électricité stable et abordable pourrait favoriser la création d’emplois, stimuler l’activité artisanale et commerciale, améliorer les services sociaux de base (santé, éducation, eau), tout en accélérant la décarbonation de l’économie régionale grâce à l’hydroélectricité.

Reste désormais à trancher entre la contrainte budgétaire et l’ambition sociale. Le choix du tracé, tout comme le niveau d’électrification réelle, conditionnera l’impact du projet sur le terrain — et sa capacité à combler les fractures énergétiques persistantes entre le Nord et le Sud du Cameroun, et entre le Cameroun et Tchad voisin.

Ludovic Amara

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