Une investigation menée par L’activiste N’ZUI MANTO vient de lever le voile sur un système organisé de détournement qui prive des milliers de musulmans camerounais de leur droit au pèlerinage. Ce réseau bien huilé, impliquant de hauts responsables, siphonne près d’un milliard de FCFA chaque année aux dépens des fidèles. Une affaire qui ébranle la communauté musulmane à l’aube du mois sacré de Ramadan.
Le stratagème dévoilé de la Commission du Hadj
L’enquête révèle une manipulation systématique des quotas accordés par l’Arabie Saoudite. Alors que le royaume attribue officiellement 10.000 places au Cameroun chaque année, la Commission du Hadj, sous la tutelle du Ministère de l’Administration Territoriale (MINAT), n’en déclare artificiellement que 3.500. Cette restriction délibérée crée une rareté artificielle exploitée par un réseau d’initiés.
“C’est un secret de polichinelle dans notre communauté, mais personne n’ose parler par peur des représailles”, confie sous couvert d’anonymat un imam de Yaoundé à N’ZUI MANTO. “Chaque année, des fidèles économisent toute leur vie pour ce voyage sacré, mais se retrouvent bloqués par ce système mafieux.”
Le communiqué publié le 3 mars par le MINAT fixant le prix du pèlerinage à 3.262.620 FCFA illustre parfaitement ce mécanisme : à peine deux jours après son émission, Afriland First Bank annonçait déjà que le quota était atteint, laissant des centaines de fidèles désemparés.
Un marché noir institutionnalisé aux prix exorbitants
La mécanique frauduleuse ne s’arrête pas là. Les sources révèlent que des “encadreurs VIP” et membres de la Commission, accaparent systématiquement les places disponibles pour les revendre avec une marge substantielle. Dès le lendemain de la fermeture officielle des inscriptions, le prix avait déjà grimpé à 3.485.000 FCFA sur ce marché parallèle, soit une majoration immédiate de 220.000 FCFA.
Selon les témoignages recueillis, cette surenchère peut atteindre jusqu’à 800.000 FCFA supplémentaires par pèlerin. Un calcul simple montre l’ampleur du détournement : avec une moyenne de 500.000 FCFA de surfacturation sur 3.500 pèlerins, le réseau empoche approximativement 1,75 milliard de FCFA chaque année.
Cette somme colossale serait ensuite répartie entre les membres de la Commission, certains agents bancaires et les encadreurs privilégiés.
Des conditions de pèlerinage indignes malgré des tarifs parmi les plus élevés d’Afrique
L’arnaque ne se limite pas au prix d’entrée. Malgré des tarifs parmi les plus élevés du continent, les pèlerins camerounais se voient attribuer des hébergements vétustes, situés à plus d’une heure de marche de la Grande Mosquée de La Mecque. La restauration fournie se résume souvent à du “riz sauté” servi à tous les repas, bien loin des standards offerts aux pèlerins d’autres nations africaines payant pourtant moins cher.
“J’ai économisé pendant huit ans pour accomplir mon devoir religieux”, témoigne Abdoulaye M., commerçant à Maroua. “Non seulement j’ai dû payer une fortune pour obtenir ma place, mais une fois sur place, nous étions traités comme des pèlerins de seconde zone. C’est une honte que notre pays, avec toutes ses ressources, nous impose de telles conditions.”
La communauté musulmane, qui célèbre actuellement le mois sacré de Ramadan, attend désormais que la lumière soit faite sur ce système prédateur qui bafoue l’un des piliers fondamentaux de l’Islam. Des voix s’élèvent pour réclamer une enquête indépendante et la publication transparente des quotas réellement attribués par les autorités saoudiennes.