Le bras de fer entre un fonctionnaire et sa hiérarchie prend une tournure inquiétante dans l’administration camerounaise. Huit mois après sa suspension, Marius Igor Bitjong Bitjong, ce douanier qui avait fait parler de lui pour son soutien public à Samuel Eto’o, se retrouve dans un véritable purgatoire administratif. Alors que sa période de suspension est officiellement terminée depuis des mois, les portes de la Douane restent hermétiquement fermées pour lui, révélant les dessous d’une sanction qui s’éternise au-delà du cadre légal.
La descente aux enfers d’un douanier pris dans la tourmente Eto’o-MINSEP
Tout a commencé le 3 juin 2024 lorsque Marius Igor Bitjong Bitjong, Contrôleur-Adjoint des Douanes en service à la Brigade Commerciale des Douanes de Yaoundé-Gare, a été brutalement suspendu par le ministre des Finances, Louis Paul Motaze. Son tort ? Avoir appelé, dans une vidéo devenue virale, les supporters de Samuel Eto’o à “descendre dans les rues” pour soutenir le président de la FECAFOOT dans son contentieux avec le gouvernement.
La sanction est tombée comme un couperet : suspension avec privation de salaire pour une durée de quatre mois “pour manquement grave à l’obligation de réserve, sans préjudice des suites du dossier disciplinaire”. Une mesure analysée à l’époque comme particulièrement sévère pour un simple appel à manifester, surtout dans le contexte électrique des relations entre la FECAFOOT et le MINSEP.
Mais l’affaire ne s’est pas arrêtée à une simple suspension administrative. Arrêté et détenu pendant deux mois au Secrétariat d’État à la Défense (SED), le fonctionnaire n’a retrouvé la liberté qu’après être passé devant le commissaire du gouvernement et le procureur de la République. Une judiciarisation qui semblait disproportionnée aux yeux de nombreux observateurs.
Un retour impossible, le ministre refuse de signer
Le véritable scandale réside dans la suite de l’histoire. Les quatre mois de suspension sont officiellement écoulés depuis novembre 2024, mais Marius Igor Bitjong Bitjong attend toujours sa réintégration à la Douane. Les démarches entreprises par le fonctionnaire pour retrouver son poste révèlent une situation kafkaïenne.
Le 14 octobre 2024, anticipant la fin de sa suspension, il adresse une première correspondance au ministre des Finances. Le 15 novembre, il reçoit une demande d’explication de la commission de discipline de la fonction publique, laissant espérer un traitement de son dossier.
C’est lors d’une visite au ministère des Finances le 27 janvier 2025 que la vérité éclate. Au bureau 408, le Chef Service du personnel fonctionnaire lui montre un document signé par le ministre indiquant sa reprise de service comme agent du ministère des Finances. Mais le document crucial, celui qui le renverrait à son administration d’origine – la Douane – n’est toujours pas signé par Louis Paul Motaze.
La raison avancée par le ministre est sans appel : il aurait “du mal à renvoyer dans son administration un agent qui a eu mauvais comportement”. Une justification qui ne repose sur aucune base légale et qui prolonge, de facto, une sanction qui devait être limitée dans le temps.
Une sanction politique qui dépasse le cadre administratif ?
Cette situation soulève de nombreuses questions sur la limite entre sanction administrative et règlement de comptes personnel. Si l’obligation de réserve des fonctionnaires est un principe fondamental de l’administration, la proportionnalité et la temporalité des sanctions sont tout aussi importantes dans un État de droit.
Le cas de Marius Igor Bitjong Bitjong prend une dimension particulière quand on le replace dans le contexte du conflit qui opposait (et oppose encore) Samuel Eto’o au gouvernement. Son soutien au président de la FECAFOOT semble lui coûter bien plus cher que ce que prévoit le cadre règlementaire de la fonction publique camerounaise.
À ce jour, le douanier n’a toujours pas repris son service. Son cas illustre parfaitement comment un simple post sur les réseaux sociaux peut briser une carrière dans l’administration camerounaise et comment les conflits politico-sportifs peuvent avoir des répercussions dévastatrices sur la vie des fonctionnaires qui osent exprimer une opinion.