(Investir au Cameroun) – L’ordonnance modifiant la loi de finances 2024 de l’État du Cameroun, signé le 20 juin 2024, prévoit une augmentation des remboursements de la dette intérieure de 947,3 milliards de FCFA à 1427,3 milliards de FCFA, soit une hausse de 480 milliards de FCFA. Cette augmentation représente 90% de la hausse globale du budget général, qui est passé de 6 679,5 milliards de FCFA à 7 212,5 milliards de FCFA, soit une progression de 533 milliards de FCFA.
Dans le détail, les prévisions de remboursement du principal de la dette intérieure structurée augmentent de 163 milliards de FCFA, atteignant 648,5 milliards de FCFA. Par ailleurs, l’enveloppe destinée à l’apurement des restes à payer (Raps, factures en instance au niveau du Trésor public) croît de 317 milliards de FCFA, pour s’établir à 537 milliards de FCFA. Ainsi, les provisions destinées aux paiements des factures en instance progressent de plus de 144%.
« L’objectif est de sortir du cercle vicieux de l’accumulation des arriérés de plus de 90 jours », explique une source bien informée au ministère des Finances. En effet, ces dernières années, les Raps se sont accumulés. Les factures en instance au niveau du Trésor public ont augmenté de près de 90% en un an pour se situer à 743,6 milliards de FCFA à fin mars 2024, dont 21,7% de Rap de plus de 3 mois, selon les données provisoires publiées par la Caisse autonome d’amortissement (CAA) le 25 avril dernier, en attendant la consolidation de l’encours des Raps par la direction générale du Trésor, de la coopération financière et monétaire.
Programme du FMI
Si les prévisions budgétaires sont réalisées, les factures en instance seront réduites de plus de 72%. Cela devrait fournir de la trésorerie aux prestataires de l’État, dont de nombreuses PME locales, réduire les délais de paiement des dépenses publiques et ainsi garantir une bonne exécution du budget 2024. « La non-accumulation des arriérés est un objectif majeur du programme économique et financier que le Cameroun met en œuvre avec l’accompagnement des partenaires techniques et financiers (PTF), dont le Fonds monétaire international (FMI). Il était indispensable de mobiliser des ressources additionnelles pour les apurer et ainsi libérer le budget 2024 », affirme d’ailleurs une source au Comité technique de suivi des politiques économiques (CTS), qui supervise la mise en œuvre du programme avec le FMI.
Dans un communiqué publié le 3 juin dernier, le FMI a annoncé que les autorités camerounaises adopteront un plan d’apurement des arriérés intérieurs. Cette mesure constitue une condition préalable au décaissement de nouveaux fonds par les institutions financières internationales pour le financement du budget 2024. À la lecture de l’ordonnance du 20 juin 2024, dont seul un rejet par le parlement pourrait stopper les effets (ce qui est peu probable, étant donné que le RDPC au pouvoir y détient la majorité absolue), on constate que le Cameroun prévoit désormais d’obtenir des appuis budgétaires supplémentaires d’un montant de 139 milliards de FCFA cette année. Ces fonds sont attendus du FMI (55 milliards de FCFA), de la Banque mondiale (36 milliards de FCFA) et de la Banque africaine de développement (48 milliards de FCFA).
125 milliards de FCFA déjà mobilisés
Pour apurer les restes à payer, l’ordonnance présidentielle autorise le gouvernement à recourir à des emprunts sur les marchés bancaires extérieurs, pour un montant pouvant atteindre 467 milliards de FCFA. Pour justifier cette option, un haut cadre du ministère des Finances pointe les limites du marché financier local. « Le marché domestique n’a pas suffisamment de profondeur pour permettre de mobiliser des volumes importants de ressources sur de longues maturités, d’où le recours aux marchés financiers internationaux », explique-t-il avant de rassurer : « Cette opération ne va pas augmenter la dette, mais transformer une dette commerciale (restes à payer) en dette financière ».
Pour les mêmes besoins, une ordonnance signée le 2 juin 2023 avait autorisé le gouvernement à mobiliser jusqu’à 200 milliards de FCFA sur les marchés bancaires extérieurs. Cependant, seulement 131 milliards de FCFA avaient été mobilisés auprès de la Banque africaine d’import-export (Afreximbank) à la fin janvier 2024, soit après la clôture de l’exercice budgétaire 2023. Cette mobilisation partielle était principalement due au niveau élevé des taux d’intérêt sur les marchés internationaux des capitaux. « Ce sera nécessairement plus élevé que 2021 (en référence au taux de 5,95% obtenu lors du refinancement de son eurobond de 2015, NDLR) et ce n’est pas le fait du Cameroun. Tous les émetteurs paient le prix », anticipe-t-on au ministère des Finances.
En attendant de finaliser l’opération, le ministère des Finances a opté pour un prêt relais sur le marché monétaire. Le 24 juin 2024, il a mobilisé plus de 125 milliards de FCFA à travers une émission de bons du Trésor assimilables (BTA) de 26 semaines, au taux d’intérêt de 6,58%, afin de commencer à apurer les factures en instance. Grâce à la « technique des offres non concurrentielles » mise en œuvre par la direction de la trésorerie du ministère des Finances, l’enveloppe mobilisée pourrait d’ailleurs atteindre 135 milliards de FCFA.
Aboudi Ottou
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