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Dette intérieure : l’État du Cameroun reconnait des arriérés de 671,7 milliards de FCFA, après 4 ans d’audit


(Investir au Cameroun) – Les arriérés de dette intérieure réclamés à l’État du Cameroun (ministères et autres administrations assimilées) et ses démembrements (établissements et entreprises publics, collectivités territoriales décentralisées ou CTD) par diverses entités et autres prestataires, sur la période 2000-2019, s’élèvent à 671,7 milliards de FCFA. C’est ce que révèlent les résultats de l’opération de recensement et d’audit de la dette flottante de l’État et ses démembrements, lancée fin 2020 par le ministère des Finances.

Selon la répartition faite dans un communiqué officiel du ministre des Finances, Louis Paul Motazé, signé le 16 août 2024, les plus grosses enveloppes sont dues par l’administration centrale (461,5 milliards de FCFA) et les établissements et entreprises publics (194,4 milliards de FCFA). Les CTD, elles, sont redevables de 15,8 milliards de FCFA seulement. Par type de dette, la dette salariale est la plus élevée, avec une enveloppe de 303,3 milliards de FCFA, contre 215,8 milliards de FCFA et 121,6 milliards de FCFA, respectivement pour les dettes fiscalo-douanières et commerciale. Les dettes académique et locative, encore « en cours d’affinement », selon le ministère des Finances, sont provisoirement estimées à 15,6 milliards de FCFA et un peu plus de 9 milliards de FCFA. Tandis que la dette sociale et les arriérés liés aux indemnisations s’affichent respectivement à 5,6 milliards et 410 millions de FCFA.

« Compte tenu de leur spécificité, la dette académique, la dette locative, la dette sociale et les indemnisations seront prises en charge par le budget l’État au cours de l’année 2024 ; le stock actuel de la dette salariale sera apuré 2 ans à compter de 2024, à l’exception de celle des enseignants (…), dont l’apurement est fixé à fin 2024 ; la dette commerciale fait l’objet de prise en charge partagée entre l’État et les entités débitrices au cours de 3 années, à compter de 2024 ; l’État accompagnera les entités débitrices en prenant en charge la totalité de la dette fiscale sur 7 ans, à compter de l’exercice budgétaire 2024. Une instruction du ministre des Finances précisera les modalités de gestion budgétaire et comptable de ce processus d’apurement de ces dettes, ainsi que les guichets de paiement y relatifs », détaille Louis Paul Motazé dans son communiqué du 16 août 2024.

Lancée fin 2020, l’opération de recensement et d’audit de la dette intérieure de l’État du Cameroun avait pour but, selon le gouvernement, de « résorber la spirale d’endettement, qui constitue un risque certain pour la stabilité des finances publiques » et à « crédibiliser davantage la signature de l’État ». Mais, la mise en œuvre de cette opération, qui fait partie des engagements pris par l’État du Cameroun dans le cadre de son programme économique et financier en cours avec le FMI, ne s’est pas faite sans entraves. « Il m’a été donné de constater que l’opération de collecte des arriérés de l’État auprès des différents administrations et organismes publics n’a pas atteint les résultats escomptés, au regard notamment du faible volume de dossiers effectivement reçus à date, et du nombre important de requêtes de mise en paiement direct des impayés pourtant éligibles à l’opération de traitement de la dette intérieure de l’État en cours », avait révélé le ministre Motazé dans un communiqué officiel publié fin 2021.

Manœuvres frauduleuses

Aussi, ce membre du gouvernement prescrivait-il aux gestionnaires concernés la date butoir du 31 décembre 2021, pour faire parvenir les dossiers requis à la direction générale du budget (DGB) du ministère des Finances. « La réception des dossiers par le ministère des Finances est close. Toutefois, un ultime délai d’un mois, à compter de la date de signature du présent communiqué, est accordé aux éventuels retardataires pour se rattraper, au-delà duquel aucune requête de prise en charge de dette pour le compte de cette opération ne sera recevable », peut-on lire dans un nouveau communiqué signé par Louis Paul Motazé en juin 2022, témoignant ainsi des difficultés rencontrées dans la conduite de cet audit. « Les ordonnateurs ne s’empressent pas du tout de déposer leurs dossiers. Comme s’ils craignaient que quelque chose de louche soit découvert au terme de l’audit », avait, à cette époque, confié un cadre du ministre des Finances à Investir au Cameroun.

Au demeurant, malgré ces entraves, le cabinet ARC Audit Consulting, recruté en 2021 pour réaliser cet audit, livrera sa première copie dès octobre 2022. Avec à la clé le rejet des créances réclamées par 5 656 prestataires, pour un montant non révélé. Selon la liste publiée le 6 octobre 2022 par le ministre Motazé, certaines créances ont été rejetées au motif de : « doublon », « déjà payé », « double emploi », « payé partiellement », « déjà traité », « même contenu de dossier, mais des numéros de titre différents », « hors période de référence », etc. « Le ministre des Finances met en garde toutes les personnes mal intentionnées tentées de recourir à des manœuvres frauduleuses à l’effet de réclamer des créances fictives à l’État. À ce propos, ces cas de falsification avérée des documents ont été déjà appréhendés et leurs auteurs sont actuellement aux arrêts », avait alors prévenu le membre du gouvernement, qui avait adjoint à cette liste des « rejets définitifs », une autre liste de 32 359 prestataires dont les demandes avaient été jugées « auditables ».

Tout porte à croire que c’est l’exploitation de cette liste qui a conduit au montant de 671,7 milliards de FCFA d’arriérés de paiements finalement reconnu par l’État pour la période auditée (2000-2019). Cette enveloppe est cependant susceptible d’évoluer, notamment à la baisse. En effet, dans son communiqué du 16 août 2024, Louis Paul Motazé prévient que « le ministre des Finances se réserve le droit d’annuler toute créance validée, si des éléments nouveaux venaient à prouver la non redevabilité de son fondement, et le prétendu bénéficiaire pourrait également être poursuivi, pour tentative de détournement des deniers publics ».

Brice R. Mbodiam  

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