(Investir au Cameroun) – Le 3 juillet dernier, à l’Assemblée nationale, le ministre de la Décentralisation et du Développement local (Minddevel), Georges Elanga Obam, a rappelé aux députés les efforts engagés depuis 2018 pour renforcer les capacités financières des collectivités territoriales décentralisées (CTD), communes et régions. Sur la seule période 2019-2024, « l’effort global de l’État pour le financement de la décentralisation s’est élevé à 2 312 milliards de FCFA, soit 828 milliards de FCFA au titre de la fiscalité et 1 483 milliards de FCFA pour les dotations », a-t-il indiqué.
Conformément à l’article 12 du Code général des collectivités territoriales décentralisées de décembre 2019, les ressources transférées aux CTD sont de deux ordres : transferts de fiscalité et dotations, ou combinaison des deux, afin d’assurer l’exercice de leurs compétences. D’après le ministère des Finances, le montant des ressources publiques mises à la disposition des CTD en 2021 s’élevait à 232 milliards de FCFA, dont 106 milliards de FCFA en investissement et 125 milliards de FCFA en fonctionnement.
Croissance continue des transferts financiers
Dans le cadre de la Dotation générale de la décentralisation (DGD), la part du budget de l’État consacrée aux CTD s’est inscrite dans une trajectoire ascendante récente. En 2022, cette dotation atteignait 240 milliards de FCFA, répartis entre 128 milliards de FCFA en fonctionnement et 112 milliards de FCFA en investissement. En 2023, elle s’est établie à 252 milliards de FCFA, dont 115 milliards de FCFA en investissement et 137 milliards de FCFA en fonctionnement. « En somme, il en ressort au cours de la période 2021-2023, que la Dotation générale à la décentralisation a connu une tendance haussière (soit une augmentation de 20 milliards de FCFA en valeur absolue et 9 % en valeur relative) », souligne un document du ministère des Finances relatif au budget de l’État pour l’exercice 2025.
Cette progression se prolonge sur les exercices suivants, selon les données du Secrétariat permanent du Conseil national de la décentralisation, rattaché aux services du Premier ministre. Dans une communication, sa secrétaire permanente, Evelyne Koa-Otsili Medzogo, précise que « la quote-part des ressources dédiées au financement de la décentralisation a encore connu une hausse significative en 2025, avec un transfert d’un montant de 303 milliards de FCFA, en comparaison à l’exercice 2024 au titre duquel 292 milliards de FCFA avaient été budgétisés. Soit une augmentation de 10 milliards de FCFA en valeur absolue et 3,6 % en valeur relative ».
Si la communication gouvernementale sur les ressources transférées aux CTD s’intensifie à partir de 2021, c’est que la DGD a, cette année-là, nettement changé d’échelle. Les données collectées par le chercheur Vincent De Paul Essomba rappellent qu’en 2010, la première enveloppe allouée aux CTD s’élevait à 9,6 milliards de FCFA. La dotation a progressivement augmenté pour atteindre près de 50 milliards de FCFA en 2020, avant de bondir à 232 milliards de FCFA en 2021. Sur les sept dernières années, l’État a ainsi débloqué plus de 852 milliards de FCFA au titre de cette dotation.
Mécanisme complexe
Au-delà de la DGD, la décentralisation est également financée par le transfert de fiscalité. Un mécanisme de collecte de taxes et prélèvements communaux alimente ainsi les budgets des collectivités. Selon le ministère des Finances, les recettes fiscales (taxes additionnelles communales, taxes locales, etc.) collectées par le Fonds spécial d’équipement et d’intervention intercommunale (FEICOM), présenté comme la « banque des CTD », et reversées aux collectivités atteignaient 327 milliards de FCFA en 2021, 387 milliards de FCFA en 2022, puis 362 milliards de FCFA en 2024.
À ce flux géré par le FEICOM s’ajoutent les dispositions de la loi sur la fiscalité locale, entrée en vigueur en janvier 2025. D’après le Minddevel, « pour les régions, l’opérationnalisation des prélèvements qui leur sont dédiés devrait permettre d’engranger des recettes fiscales au profit desdites entités à hauteur d’environ 118 milliards de FCFA. Tandis que pour les communes, les projections de recouvrement additionnelles se chiffrent à environ 101 milliards de FCFA ».
Ces montants ne tiennent pas compte des financements qui doivent accompagner le transfert effectif de compétences des administrations centrales vers les CTD, ce qui revalorise le total des ressources dédiées à la décentralisation. Evelyne Koa-Otsili Medzogo souligne ainsi : « on note que, cumulé aux ressources financières dédiées aux compétences transférées qui ne sont pas encore effectivement exercées par les collectivités territoriales décentralisées à l’instar de la prise en charge des personnels des administrations en charge de l’éducation de base et des enseignements secondaires, de la jeunesse, de la santé ou des arts et de la culture, le montant global des ressources dédiées au financement de la décentralisation au titre de l’exercice 2025 s’élève à 958 milliards de FCFA ».
Loin des 15 %
Malgré l’augmentation des enveloppes, le gouvernement ne respecte pas encore le plancher fixé par la loi pour la Dotation générale de la décentralisation. Comme le rappelle le chercheur Vincent De Paul Essomba, « l’article 25 du code général des CTD de 2019 dispose que la fraction de la DGD fixée ne peut être inférieure à 15 % des recettes de l’État. Or, l’enveloppe budgétaire que l’État compte allouer à la DGD en 2021 représente environ 7 % des recettes de l’État, bien en deçà des 15 % prévus par le code général des CTD ». Et, même si cette enveloppe a progressé depuis 2021, elle reste en deçà du seuil légal de 15 %.
L’illustration est fournie par le budget 2025 de l’État, qui s’élève à plus de 7 700 milliards de FCFA, pour des recettes d’environ 4 000 milliards de FCFA. En appliquant le taux de 15 % prévu pour la DGD, ce sont 600 milliards de FCFA qui devraient être reversés aux CTD. Dans les faits, l’État a inscrit 303 milliards de FCFA au titre de cette dotation, soit 7 % des recettes.
Au sein de l’exécutif, on reconnaît que la mobilisation des ressources au profit des CTD demeure un défi structurel. « Le défi majeur dans ce domaine consiste à accroître substantiellement les ressources des CTD par un relèvement conséquent des dotations de l’État (notamment la DGD), une amélioration du rendement de la fiscalité locale ainsi qu’une réorganisation du système de péréquation. L’enjeu ici est celui de la mise en œuvre efficace de la loi sur la fiscalité locale », a reconnu le ministre Georges Elanga Obam devant les élus.
Mais le respect du quota de 15 % n’est pas envisagé à court terme, à en croire le ministre des Finances, Louis Paul Motaze. Lors de la session budgétaire de novembre 2025, il a estimé que « il y a eu une très mauvaise compréhension lorsque nous avons adopté le quota de 15%. Certains ont fait vite le calcul, ils ont pris le budget de l’Etat, et ils ont dit “on veut cet argent” ». À ses yeux, la DGD ne prime ni sur le remboursement des emprunts contractés auprès des partenaires internationaux pour financer les infrastructures, ni sur la séquence de transfert des compétences. « Le transfert des ressources est une conséquence du transfert des compétences. Les Collectivités territoriales décentralisées attendaient déjà les 15% alors que les compétences n’étaient pas encore transférées », justifie-t-il.
Ludovic Amara
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