La Commission nationale de recensement des votes a rendu son verdict ce 20 octobre : Paul Biya arrive en tête de la présidentielle avec 53,66 % des voix, devant Issa Tchiroma Bakary et ses 35,19 %.
Mais loin d’apaiser les tensions, ces résultats ravivent une vieille fracture camerounaise : celle entre la légalité du pouvoir et la légitimité populaire revendiquée.
« Le pouvoir lui-même lui reconnaît une victoire », affirme un opposant, évoquant le poids politique grandissant de Tchiroma.
Alors que le Conseil constitutionnel s’apprête à statuer, le pays retient son souffle : Biya reste-t-il le président légal, ou Tchiroma l’élu du peuple ?
🗳️ Des chiffres officiels, un pays divisé
Après huit jours de compilation, la Commission nationale de recensement général des votes a transmis son rapport au Conseil constitutionnel.
Les résultats sont sans équivoque :
- Paul Biya (RDPC) : 53,66 % (2 474 179 voix)
- Issa Tchiroma Bakary (FSNC) : 35,19 %
- Cabral Libii (PCRN) : 3,41 %
- Bello Bouba Maïgari (UNDP) : 2,45 %
- Tomaino Ndam Njoya : 1,66 %
- Joshua Osih : 1,21 %
- Autres candidats : moins de 1 %
Ces chiffres, bien qu’attendus, ne convainquent pas tout le monde.
Le Conseil constitutionnel, dirigé par Clément Atangana, devrait proclamer les résultats définitifs d’ici le 26 octobre.
Mais l’opposition n’en attend rien, surtout Issa Tchiroma Bakary, qui refuse de déposer un recours.
« Nous ne validons pas un processus biaisé d’avance », explique un membre du FSNC joint par 237online.com.
🗣️ Tchiroma et la “vérité des urnes” : la légitimité contre la loi
Refusant de s’en remettre au Conseil constitutionnel, Issa Tchiroma Bakary mise sur une stratégie alternative : la “vérité des urnes”.
Depuis le scrutin du 12 octobre, ses équipes ont collecté plus de 70 % des procès-verbaux des bureaux de vote, qu’elles affirment authentiques et non altérés.
Selon leurs calculs, publiés sur les réseaux sociaux et une plateforme en ligne, Tchiroma serait en tête avec 62 % des voix.
« En 2018, Maurice Kamto avait proclamé sa victoire sans preuves suffisantes. Nous, nous avons les PV », explique un proche du candidat.
Cette “contre-vérité officielle” séduit une partie de la société civile, lassée d’un système électoral jugé verrouillé.
Mais pour les institutions, seuls les PV d’Elecam ont valeur légale.
Un bras de fer s’engage donc entre légalement élu et légitimement plébiscité.
⚖️ Légalité contre légitimité : un duel qui dépasse les chiffres
Politiquement, la comparaison avec 1992 s’impose.
« Tchiroma fait le même score que Fru Ndi à l’époque. Dans le contexte actuel, c’est énorme », note un politologue.
En obtenant 35 % des voix, l’ex-ministre du gouvernement Biya réalise le double du score de Maurice Kamto en 2018.
Même au sein du pouvoir, certains reconnaissent la montée d’un phénomène Tchiroma.
À Garoua, son fief, la tension reste palpable.
Les forces de sécurité surveillent les attroupements, craignant une éventuelle contestation populaire.
Dans les coulisses, les analystes estiment que le RDPC sort affaibli et que les législatives de 2026 pourraient marquer un tournant.
« Biya a la légalité, Tchiroma a la légitimité. Entre les deux, le peuple cherche la vérité », souffle un jeune militant à Douala.
🔮 Un pays en suspens avant le verdict final
Le Cameroun s’apprête à vivre une nouvelle semaine sous tension.
Le Conseil constitutionnel rendra sa décision dans les jours à venir, mais beaucoup estiment déjà que le résultat est connu d’avance.
La seule inconnue réside dans la réaction du peuple : l’acceptation résignée ou la colère silencieuse.
Au-delà des chiffres, une chose est claire : la présidentielle 2025 aura mis à nu la fracture entre institutions et citoyens, entre légal et légitime.
Le Cameroun s’avance désormais vers une zone grise : celle des victoires qui ne rassemblent plus.



