C’est un départ qui fait grand bruit et expose une faille inquiétante.
L’ancien ministre et candidat à la présidentielle 2025, Issa Tchiroma Bakary, aurait quitté le Cameroun sans que les services de renseignement n’en soient informés. Une situation jugée “inacceptable” par plusieurs observateurs sécuritaires.
« Comment un acteur politique sous surveillance permanente peut-il disparaître sans alerte ? », s’indigne un ex-agent du contre-espionnage.
Cette “fuite silencieuse” soulève une question grave : les services secrets camerounais sont-ils encore capables d’anticiper les menaces nationales ?
Un système d’alerte en panne sèche
Selon des sources concordantes, aucune note confidentielle n’aurait été transmise aux autorités avant le départ d’Issa Tchiroma. Un silence qui traduit, selon l’ex-officier Philippe Nguefack, une désorganisation interne profonde.
« Les services de renseignement sont perdus. Ils doivent revenir à la géo-intelligence, pas aux ragots politiques », déclare-t-il à 237online.
Dans un contexte post-électoral tendu, cette carence inquiète. Le Cameroun traverse une période où la vigilance devrait être maximale, mais la coordination entre services semble quasi absente.
Résultat : une perte de contrôle stratégique au moment même où la stabilité du pays est scrutée de près par ses partenaires régionaux.
Les failles d’un appareil déconnecté du terrain
Les analystes de sécurité pointent un excès de centralisation et une culture du silence au sein de l’appareil sécuritaire.
« Beaucoup d’agents passent plus de temps à plaire qu’à prévenir », déplore un ancien commandant basé à Buea.
Les alertes terrain remontent tardivement, parfois filtrées ou étouffées par peur de déplaire.
Le cas Issa Tchiroma est emblématique d’une dérive où la politique a pris le pas sur la mission première du renseignement : protéger la République.
Et ce n’est pas un cas isolé. Déjà en 2024, des fuites diplomatiques avaient révélé des retards de réaction inquiétants lors d’incidents frontaliers au Nord. Les mêmes dysfonctionnements se répètent, sans réforme structurelle réelle.
👉 Lire aussi : Cameroun – Issa Tchiroma en fuite après l’arrestation de Djeukam et Anicet Ekane
Un ex-agent tire la sonnette d’alarme
Pour Philippe Nguefack, ancien du service sous le règne de Jean Fochivé, l’heure est grave :
« Le Cameroun doit cesser de confondre renseignement et propagande. La sécurité nationale n’est pas une vitrine, c’est une mission vitale. »
Il plaide pour une refondation totale du système, fondée sur la géopolitique, la technologie et une veille multidimensionnelle.
Sans un service d’intelligence performant, dit-il, le pays court vers une vulnérabilité accrue dans un environnement régional de plus en plus instable (Nigéria, Tchad, RCA).
Le départ d’Issa Tchiroma du Cameroun, passé sous le radar, n’est pas un simple incident administratif : c’est le symptôme d’un État aveugle à ses propres signaux d’alerte.
Le peuple mérite des institutions qui voient venir le danger, pas des structures qui le découvrent après coup.
La question demeure : le Cameroun saura-t-il tirer les leçons de cet échec avant qu’il ne soit trop tard ?

