View Kamer

Caisse des dépôts et consignations : Babissakana analyse les incohérences réglementaires de la CDEC


(Investir au Cameroun) – Dans une tribune parue dans la presse locale, le PDG du cabinet d’ingénierie financière Prescriptor met en lumière des angles morts dans le cadre réglementaire régissant les activités de la Caisse des dépôts et consignations (CDEC) du Cameroun. Ces insuffisances expliquent les tensions persistantes entre cet établissement public, créé en 2008 et opérationnel depuis 2023, et les autorités de régulation d’Afrique centrale, notamment la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) et la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac).

Babissakana souligne ainsi que le décret du 15 avril 2011 portant organisation et fonctionnement de la CDEC « n’est aligné sur aucun traité international applicable ». Or, ce texte confère à la CDEC une mission principale : « recevoir, de conserver et de gérer les sommes et avoirs publics ou privés, conformément aux lois et règlements en vigueur ». Pour l’expert, cela « relève clairement du métier de la banque ou de l’intermédiation financière, qui est régi par le traité du 16 mars 1994 instituant la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), en particulier la convention régissant l’Union monétaire d’Afrique centrale ».

L’ingénieur financier ajoute que, selon la classification professionnelle du secteur financier, la CDEC est une « institution financière spécialisée » au sens du règlement de la Cobac. Par conséquent, elle ne devrait pas pouvoir recevoir de fonds publics à vue ou à moins de deux ans. Cette interprétation des textes régissant l’activité financière dans la zone Cemac est à l’origine des frictions entre la CDEC d’un côté, et la BEAC et la Cobac de l’autre.

En effet, la CDEC conteste la supervision de ses activités par la Cobac arguant que la gestion des fonds publics échappe à la compétence du régulateur bancaire. « Les fonds et valeurs gérés par la CDEC sont des deniers publics, ce qui confère à cette entité le statut de comptable public, conformément à la directive CEMAC n°02/11-UEAC-190-CM-22 du 19 décembre 2011 relative au règlement général de la comptabilité publique. En conséquence, la CDEC est exclue du champ de compétence de la Commission bancaire, en application des dispositions de l’article 11 de l’annexe à la convention du 17 janvier 1992 portant sur l’harmonisation de la réglementation bancaire dans les États de l’Afrique centrale. Ainsi, la CDEC ne peut être soumise à aucune supervision du régulateur bancaire communautaire, comme c’est le cas dans toutes les zones économiques où ces institutions sont présentes », défendait Richard Evina Obam, directeur général de la CDEC, en février dernier. Ce différend a d’ailleurs conduit la COBAC à demander, en juillet 2024, aux banques camerounaises de suspendre temporairement le transfert des avoirs en déshérence vers la CDEC.

Des normes comptables… inadéquates

Autre angle mort soulevé par l’expert : les dispositions comptables et financières. L’article 38 du décret du 11 avril 2011 reste vague et non aligné sur le traité de la CEMAC. « La gestion financière et comptable de la CDEC obéit aux règles de la comptabilité privée », relève-t-il dans sa tribune. « Or, la norme comptable de référence applicable est bien le plan comptable des établissements de crédit. » De plus, les articles 28, 29, 30, 31 et 32 du décret confient la gestion financière de la CDEC à un caissier général placé sous l’autorité du directeur général. « Ces dispositions s’écartent radicalement des normes internationales et des bonnes pratiques en vigueur », observe-t-il.

À ses yeux, le décret instituant la CDEC en fait une « institution-enclave », « exclue de toute régulation professionnelle, comme l’exigent les normes de bon fonctionnement du marché des capitaux. Pourtant, son régulateur est bien la Cobac », conclut-il.

La CDEC est en tout cas réticente à se placer sous la tutelle des institutions communautaires. Une illustration en a encore été donnée le 15 avril, à l’issue de la réunion du groupe de travail mis en place par le gouverneur de la BEAC pour examiner la supervision des Caisses des dépôts et la gestion des avoirs en déshérence dans la zone Cemac. Yvon Sana Bangui, gouverneur de la BEAC, a noté que les deux CDC (Cameroun et Gabon) actives dans la zone Cemac s’opposent à un avant-projet de loi prévoyant une supervision totale par la Cobac, préférant une supervision partielle limitée à leurs activités bancaires. Richard Evina Obam a quant à lui rappelé que « les compétences de la communauté sont des compétences d’attribution, c’est-à-dire que ce sont les États qui consentent à déléguer une portion de leur souveraineté dans une matière, et les organes communautaires doivent agir dans le strict respect de cette délégation ».

Ludovic Amara

Lire aussi:

21-04-2025 – Cameroun et Gabon : les Caisses de dépôts et consignations poursuivent leur bras de fer avec la BEAC et la Cobac





18-02-2025 - Cemac : au nom de sa souveraineté, le Cameroun s’oppose à la supervision des Caisses de dépôts par la Cobac

24-10-2024 - À l’ONU, Richard Evina Obam souligne les efforts de la CDEC pour promouvoir le développement économique au Cameroun





12-07-2024 - Dépôts et consignations : la Cobac demande aux banques de sursoir aux transferts des fonds en déshérence à CDEC

16-11-2022 - Le Cameroun poussé vers l’opérationnalisation de la Caisse de dépôt et de consignation, créée depuis 14 ans





Source link

View Kamer

FREE
VIEW