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Bini à Warak : Savannah Energy veut céder 50 % de ses parts pour attirer de nouveaux investisseurs dans le projet


(Investir au Cameroun) – Le projet hybride hydroélectrique et solaire de Bini à Warak, dans la région de l’Adamaoua, franchit une étape clé. Dans son rapport d’activités 2024, la société britannique Savannah Energy annonce son intention de céder environ 50 % de sa participation avant la clôture financière, prévue pour le troisième trimestre 2028. Objectif : attirer de nouveaux investisseurs et renforcer la solidité financière du projet, afin d’en accélérer la mise en œuvre. « La mise en service de la composante solaire est prévue deux ans après la clôture financière, et celle de la centrale hydroélectrique environ quatre ans après l’approbation finale du projet », précise la société.

Les négociations entre Savannah Energy et le gouvernement camerounais sont à un stade avancé pour la signature d’un accord de développement conjoint, qui remplacera le protocole d’accord d’avril 2023. Ce nouvel accord fixera le cadre de coopération pour la relance du projet, désormais conçu comme un mix solaire-hydraulique d’une capacité totale portée de 75 à 95 MW. Validé fin 2023 par le ministère de l’Eau et de l’Énergie, le nouveau design prévoit l’intégration de 40 MW d’énergie solaire photovoltaïque, ajustant la production hydroélectrique en fonction du solaire pour assurer une fourniture continue d’électricité.

Selon Savannah, Bini à Warak permettra d’accroître de plus de 50 % la production énergétique dans le septentrion, où la demande dépasse régulièrement les capacités du barrage de Lagdo (72 MW), aujourd’hui entravé par l’ensablement.

Le chantier, lancé en 2017, avait été suspendu en 2018 après le retrait de Sinohydro, l’entreprise chinoise initialement chargée des travaux, en raison du non-paiement par l’État d’une prime d’assurance préalable au déblocage du financement de 182 milliards de FCFA accordé par la banque chinoise ICBC. Depuis, le site est resté à l’abandon malgré des travaux préparatoires estimés à 20 milliards de FCFA. L’arrivée de Savannah Energy a ravivé les espoirs de relance. Le 12 juin 2025, le préfet de la Vina a présidé une réunion pour finaliser l’indemnisation des 38 villages affectés par le projet.

En cas de concrétisation, Bini à Warak devrait sécuriser l’approvisionnement en énergie propre dans les régions de l’Adamaoua, du Nord et de l’Extrême-Nord, tout en réduisant la dépendance du Cameroun à ses centrales thermiques coûteuses.

Un levier pour la transition énergétique camerounaise

Ce projet s’inscrit dans la stratégie nationale de transition énergétique, alors que le Cameroun vise à mobiliser 7 200 milliards de FCFA (près de 12 milliards de dollars) pour soutenir son plan énergétique national, selon Investir au Cameroun. En 2020, le mix électrique restait dominé par l’hydroélectricité (61,7 %) et les centrales thermiques (24,1 %), contre 0,1 % seulement pour le solaire. Le déséquilibre entre ces sources rend stratégique un projet combinant hydraulique et solaire dans une région sous-approvisionnée.

Le choix du septentrion n’est pas anodin. L’ensablement du barrage de Lagdo et la croissance de la demande liée à l’urbanisation et au développement industriel ont créé un goulot d’étranglement énergétique. Bini à Warak apparaît ainsi comme une solution structurelle pour améliorer la fiabilité du réseau et diversifier les sources d’énergie renouvelable. Le potentiel hydraulique du Cameroun est estimé à 19,7 GW, tandis que son potentiel solaire dépasse 89 TWh par an — un potentiel encore largement sous-exploité.

Entre contraintes financières et enjeux institutionnels

Malgré ses atouts, le projet reste confronté à plusieurs défis majeurs.
Le premier est financier : la cession de 50 % de la participation de Savannah reflète la volonté de partager les risques et d’attirer des capitaux privés, dans un environnement où la gouvernance et les restrictions de change freinent les investissements étrangers.

Le second est institutionnel : bien que la loi n° 2011/022 encadre le secteur de l’électricité, le cadre réglementaire spécifique aux énergies renouvelables demeure incomplet, rendant nécessaire une coordination étroite entre acteurs publics et privés.

Enfin, la gestion de l’indemnisation des populations des 38 villages impactés et le pilotage technique du chantier représentent d’autres défis. La mise en service échelonnée — prévue pour 2030 (solaire) et 2032 (hydroélectrique) — exigera une planification rigoureuse et une adaptation continue aux contraintes locales.

Au-delà de ces contraintes, Bini à Warak constitue une opportunité stratégique pour le Cameroun. Ce projet à la croisée des enjeux énergétiques et régionaux pourrait devenir un moteur de croissance durable pour le nord du pays. Sa réussite impose la transparence des financements, le respect des délais et de la capacité des parties prenantes à en faire un modèle de transition énergétique intégrée.

Amina Malloum

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