Le Syndicat national des distributeurs de boissons hygiéniques du Cameroun (Synasdibohycam) vient de se joindre au plaidoyer que mène depuis 2023 la Cameroon alcohol producers association (CAPA) qui regroupe, outre les sociétés brassicoles, les distilleurs tels que Sofavinc, Fermencam, etc., pour un réajustement des prix des bières en raison de l’explosion des coûts de production au niveau mondial depuis 2020. Quelques jours après que le directeur général de la Société anonyme des boissons du Cameroun (Sabc), Stéphane Descazeaud a relancé le débat en décrivant un « tsunami inflationniste » qui, d’après lui, a d’ores et déjà épuisé toutes les capacités de résilience dont a fait montre la filière brassicole jusque-là, le PDG de Dovv, Philippe Tagne Noubissi, qui revendique le leadership du marché de la distribution au Cameroun,a saisi par courrier le ministre du Commerce (Mincommerce), Luc Magloire Mbarga Atangana, le 23 mars, pour lui faire part de la décision de ses pairs et lui de majorer les prix des bières à compter du 06 mai prochain. Cette majoration concerne principalement les bières Sabc, dont le prix sera relevé de 50 Fcfa l’unité pour les petites bouteilles et 100 Fcfa l’unité pour les grandes.
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Le Synasdibohycam qui s’est réuni avec ses instances déconcentrées le 23 mars, fait part de la difficulté de ses membres à poursuivre leur activité en raison, notamment, du maintien du prix de cession des produits Sabc, qui a rendu insignifiante la marge des distributeurs, « divisée minimalement par 2 », dans un contexte de décuplement des charges d’exploitation, marqué par « plusieurs augmentations antérieures du prix d’achat du casier de produits brassicoles, sans augmentation de la remise, entraînant une augmentation sans contrepartie des coûts du capital investi ; l’augmentation du Smig ; la double augmentation de 25% et 15% du coût du carburant en l’espace d’un ; l’augmentation du coût de la douane et donc du prix du matériel roulant de distribution ; l’augmentation de la pression fiscale ; l’augmentation du coût de la vie à tous les niveaux ». Qui plus est, le système de distribution a totalement changé entre-temps au détriment des distributeurs, d’après Philippe Tagne Noubissi.
« Avant, les distributeurs prenaient les produits et les vendaient pratiquement au pas de leur porte sans avoir besoin d’aller les distribuer dans les quartiers à travers des véhicules. La société a changé le système en transférant totalement la distribution au distributeur qui est devenue une courroie de transmission entre le producteur et le détaillant. Aujourd’hui, Sabc s’est retirée totalement du circuit de distribution. La logique, parce que le distributeur devait avoir plus d’espace, était qu’il devrait gagner par le volume. Mais, honnêtement, ce n’est pas ça qui se produit », se plaint-il.
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Ce nouveau système est beaucoup plus contraignant pour les distributeurs en termes d’investissements. « Avant, un distributeur qu’on appelait vulgairement grossiste avait besoin, prenons un taux banal, d’un capital d’environ 100 millions Fcfa. Aujourd’hui ce n’est pas possible. Il y en a qui dépensent 2, 3 ou 4 milliards Fcfa après s’être endettés lourdement auprès des banques », le PDG de Dovv. Qui poursuit, s’agissant des conséquences de la hausse de 40% du prix du carburant « qui est la plus élevée après le personnel », qu’elles ont entraîné la faillite chez 40 à50% de distributeurs depuis 2018. A l’en croire, sur près de 300 membres que comptait la corporation, pour environ 30 000 emplois, seuls environ 150 résistent à ce jour. « On a adressé des tonnes de correspondances à la Sabc, au ministère du Commerce, etc., il y a eu des concertations et des débats à n’en plus finir, mais rien n’a bougé. Au point où on en est, le gouvernement doit mettre toutes les parties sur la même table et, sur la base des charges que chacun dégage, décider au moins que sur chaque bouteille de bière, un distributeur s’en tire avec 70 Fcfa au moins », plaide le Synasdibohycam.
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Du reste, cette organisation milite, comme SABC, pour la révision à la hausse des prix des bières. Elle pose toutefois la condition que 50% du fruit de cette majoration soient reversés au segment de la distribution. De nouvelles discussions entre acteurs des différents segments de la filière seraient sont attendues, sous l’égide du ministre du Commerce, surtout après la sortie des détaillants à travers le Syndicat national des exploitants des débits de boissons (Synedeboc) d’hier, dans laquelle ils menacent à leur tour de procéder à une hausse en aval de 100 Fcfa sur la bouteille de bière. Le Synasdibohycam n’exclut pas, au cas où le gouvernement ferait barrage à leur projet d’augmenter les prix, d’arrêter l’activité. De son côté, le Dg de Sabc souligne, au-delà de la nouvelle hausse des droits d’accise décidée dans la loi des finances 2024, qui « ne fait qu’ajouter de l’insécurité à la fragilité déjà palpable » des entreprises du secteur, que le Cameroun reste le seul pays à avoir gelé les prix des boissons en dépit de la hausse vertigineuse des prix des carburants, des matières premières, de l’électricité, du gaz et des consommables. Sur les deux dernières années, le leader du marché de la bière au Cameroun aurait engagé des dépenses supplémentaires de 33 milliards Fcfa, uniquement pour les intrants.