(Investir au Cameroun) – Nachtigal Hydro Power Company (NHPC), l’entreprise de projet du barrage de Nachtigal, annonce la disponibilité dans le réseau électrique camerounais de la totalité des 420 MW d’énergie produits par cet ouvrage construit dans la région du Centre du pays. « Après le couplage réussi au réseau électrique le 27 février 2025 et plusieurs semaines d’essais, le groupe numéro 7 de l’aménagement hydroélectrique de Nachtigal a officiellement été mis en service le 18 mars 2025. Ce dernier jalon marque la fin des mises en service de tous les groupes de l’aménagement, qui atteint ainsi sa pleine capacité de production, avec une puissance installée de 420 MW », annonce NHPC dans sa newsletter de ce 19 mars 2025.
L’entreprise souligne dans le même document que la « mise en service de ce 7ᵉ groupe symbolise la fin de la phase de construction de l’aménagement et son exploitation effective par NHPC pour les 35 prochaines années ». Cette précision est d’autant plus importante que selon les accords conclus entre l’État du Cameroun et NHPC, dès la mise en exploitation du barrage, symbolisée par la disponibilité effective des 420 MW de capacités installées, une facture mensuelle de 10 milliards de FCFA devra être réglée à la société, que l’énergie produite à Nachtigal soit consommée ou non.
À l’observation, cette exigence contractuelle est loin d’être satisfaite, au regard des difficultés financières que vit en permanence de secteur de l’électricité au Cameroun depuis des années, en raison des tensions de trésorerie d’Eneo, le distributeur de l’énergie électrique dans le pays. Contrôlée par le fonds d’investissement britannique Actis, cette entreprise, qui réclame des impayés de plus de 100 milliards de FCFA à l’État et ses démembrements, peine elle-même à payer ses différents fournisseurs. Auxquels devrait s’ajouter NHPC dès avril ou mai 2025, dans la mesure où la cérémonie de mise en service complète du barrage de Nachtigal est projetée pour le mois d’avril prochain.
700 milliards de dettes en 2022
L’insolvabilité d’Eneo vis-à-vis de ses fournisseurs actuels est d’autant plus criarde que le déficit de trésorerie de l’entreprise est quasi-permanent. Selon les états financiers d’Eneo, au 31 décembre 2022, par exemple, le distributeur de l’énergie électrique au Cameroun affichait un déficit de trésorerie de 113 milliards de FCFA, ainsi qu’une dette de 700 milliards de FCFA, dont la moitié due aux fournisseurs.
Même le Trésor public, qui se substitue généralement aux entités publiques cumulant des impayés vis-à-vis d’Eneo, en déliant les cordons de sa bourse, peine généralement à suivre le rythme des paiements promis. Pour preuve, le producteur indépendant Globeleq, qui gère les centrales à gaz de Kribi (216 MW) et à fioul de Dibamba (88 MW), n’a eu de cesse d’arrêter ses centrales ces derniers mois, à cause des impayés estimés à 137 milliards de FCFA réclamés à Eneo, que l’État tarde à payer malgré ses promesses.
Exportation de l’électricité
En tout cas, dans les prochaines semaines, Eneo ou l’État du Cameroun devront trouver 10 milliards de FCFA à verser mensuellement à NHPC, même s’il est de plus en plus probable que la totalité de l’énergie produite par Nachtigal ne sera pas entièrement consommée dans l’immédiat. En raison du retard pris dans la construction des lignes de transport au départ du poste de transformation de Nyom, dans la banlieue de Yaoundé ; et même dans la réception de la ligne d’évacuation partant de Nachtigal pour Yaoundé.
De bonnes sources, alors que certaines lignes de transport au départ du poste de Nyom sont encore en phase de finalisation, celle chargée d’évacuer la production sur Yaoundé, construite par le groupe français Bouygues, est actuellement en phase d’inspection, en vue de sa rétrocession à la Société nationale de transport de l’électricité (Sonatrel). Cette mission consiste à « examiner la stabilité des 123 pylônes de la ligne, détecter la corrosion ou les dommages physiques, évaluer l’affaissement des conducteurs, l’intégrité des isolants, l’état des installations, ainsi que les connexions et les raccords », souffle un responsable de Sonatrel, témoignant de l’ampleur de cette inspection.
Pour rappel, Nachtigal représente un investissement de 786 milliards de FCFA. La plus grande centrale de production d’énergie électrique du Cameroun contribuera non seulement à augmenter de 30 % les capacités installées du pays, mais aussi à accroître la part de l’hydroélectricité dans le mix énergétique national. Ce qui permettra de réaliser d’importantes économies sur l’achat de combustibles pour les centrales thermiques d’appoint installées dans plusieurs localités camerounaises. Cette infrastructure énergétique devrait également permettre au Cameroun de devenir pionnier de l’exportation de l’électricité en Afrique centrale, à la faveur du Projet d’interconnexion des réseaux électriques du Cameroun au Tchad (Pirect). Grâce auquel le Cameroun devrait fournir 100 MW au Tchad dès l’année 2027, selon les prévisions officielles.
Brice R. Mbodiam
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