(Investir au Cameroun) – Les importations de friperie au Cameroun ont encore pris de l’ampleur en 2024, tant en volume qu’en valeur, confirmant l’ancrage profond de ce marché dans la consommation nationale. Selon les données de l’Institut national de la statistique (INS), le pays a importé 72 600 tonnes de vêtements de seconde main pour une valeur de 39,8 milliards FCFA, contre 61 221 tonnes pour 30,2 milliards FCFA en 2023 — soit une hausse de 18,6 % en volume et de 31,8 % en valeur.
Cette dynamique reflète une forte pression sur le pouvoir d’achat : la friperie s’est imposée comme la réponse la plus accessible pour des millions de consommateurs et soutient un vaste écosystème marchand — importateurs, grossistes, revendeurs et marchés informels — qui fait vivre de nombreuses familles. Le phénomène n’est pas nouveau, mais il se renforce, au point d’alimenter des débats sur la souveraineté industrielle et la compétitivité du secteur textile local.
Un secteur textile aux abois
Ce boom de la friperie intervient alors que la filière coton-textile-confection perd du terrain. Les données officielles montrent que les producteurs locaux n’occupent désormais qu’une part marginale du marché national du tissu — peuplerait à peine 5 % du marché selon des sources sectorielles —, laissant la place aux produits importés, souvent concurrencés par la contrebande et des textiles bon marché. Le résultat : des ateliers fermés, des capacités industrielles sous-utilisées et des emplois qui disparaissent.
Face à cette hémorragie, l’État a inscrit la relance du secteur dans la Stratégie nationale de développement 2020-2030 (SND30). Les objectifs affichés sont ambitieux : porter la production cotonnière à 600 000 tonnes par an et assurer la transformation locale de 50 % de cette production d’ici 2030, pour reconstituer une chaîne textile nationale compétitive.
Concrètement, la feuille de route vise à favoriser une industrie capable de répondre à deux segments prioritaires : d’une part l’habillement des corps de défense, de sécurité et de la fonction publique — visant à valoriser le coton local à hauteur de 60 % — ; d’autre part la production de tenues de sport (maillots, survêtements, baskets, etc.) couvrant au moins 50 % de la demande intérieure. Si ces objectifs se réalisent, ils pourraient réduire la dépendance aux importations et renforcer les débouchés pour les producteurs et transformateurs locaux.
La réussite de ce plan dépendra toutefois de facteurs structurels : modernisation des filières agricoles et industrielles, accès au financement, logistique, lutte contre la fraude et la contrebande, ainsi qu’une politique industrielle cohérente pour attirer des investissements dans la teinture, la filature et la confection. Sans ces leviers, la friperie continuera de prospérer — au prix de la désindustrialisation locale.
Amina Malloum
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