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Agriculture : la Semry accumule près de 8 milliards FCFA de pertes sur ses ventes de riz en 4 ans


(Investir au Cameroun) – A Yagoua, dans l’Extrême-Nord du Cameroun, le riz domestique, autrefois promu comme vecteur d’autosuffisance alimentaire, est devenu un fardeau financier pour l’État. Entre 2018 et 2021, la Société d’expansion et de modernisation de la riziculture de Yagoua (Semry) a accumulé des pertes de 7,799 milliards de FCFA, en dépit de 2,8 milliards de subventions publiques. Un gouffre budgétaire qui fait désormais de cette entreprise publique une source d’inquiétude pour les finances de l’État, selon un récent un audit de la Chambre des comptes.

La Semry vend son riz à perte de manière chronique constatent les magistrats financiers. En effet, le kilogramme de riz blanchi coûte 743 FCFA à produire, mais est revendu à seulement 376 FCFA. Même avec une subvention de 131 FCFA par kilo, chaque unité vendue engendre une perte nette de 236 FCFA.

En 2021, la Semry a acquis 2 500 tonnes de riz paddy auprès des riziculteurs à 187 FCFA/kg, soit un coût d’achat de 480 millions de FCFA. Après transformation, ce volume a produit 1 344 tonnes de riz blanchi à un coût unitaire de 478 FCFA/kg, pour un total de 642 millions FCFA. Mais en intégrant les charges indirectes, de distribution et les frais généraux, le coût de revient grimpe à 743 FCFA/kg.

Bilan : sur 1 375 tonnes vendues, l’entreprise accuse 504 millions FCFA de pertes, ramenées à 324 millions après subvention.

Sous-performance de la chaîne de transformation

La Chambre des comptes met également en lumière une faible utilisation des capacités industrielles. Les deux grandes usines de transformation situées à Yagoua et Maga ont une capacité théorique de 46 800 tonnes par an, mais n’en ont transformé que 2 687 tonnes en 2021, soit 5,74 % de leur potentiel.

Selon les responsables de l’entreprise, ces usines peuvent fonctionner 18 heures par jour. Pourtant, en pratique, la production reste marginale, rendant les charges fixes et indirectes particulièrement lourdes au prorata du volume transformé.

Autre anomalie relevée : les charges de distribution atteignent 95 millions de FCFA, soit plus que les charges de transformation (74 millions de FCFA). Un déséquilibre que la Chambre juge préoccupant, d’autant plus que la transformation constitue le cœur de l’activité industrielle de l’entreprise.

La juridiction financière constate également que les frais généraux représentent en moyenne 65 % du montant des ventes, une part jugée excessivement élevée.

Marges de manœuvre existantes

Bien que le prix du riz soit fixé par l’État, ce cadre réglementaire ne saurait justifier les contre-performances de la Semry. La Chambre des comptes estime que l’entreprise publique conserve une marge d’action significative pour corriger ses dysfonctionnements internes.

« En dépit du fait que le prix de vente du riz soit encadré par la réglementation, la SEMRY dispose de leviers sur lesquels elle pourrait agir afin de rentabiliser ses activités de transformation et de commercialisation », relèvent les magistrats financiers.

Parmi les pistes de réforme avancées figure l’alignement de la transformation annuelle du paddy sur les capacités maximales de ses usines. Une telle optimisation permettrait de diluer les charges fixes sur un volume plus important, réduisant ainsi le coût de revient unitaire.

La mise en place d’un plan de transformation annuel est également recommandée, de même qu’une rationalisation rigoureuse des frais généraux et des charges de distribution, dont le poids excessif pèse lourdement sur la rentabilité de la filière.

À défaut de ces réformes structurelles, la Semry continuera d’engloutir des ressources publiques sans jamais atteindre ses objectifs. Une situation qui ébranle la crédibilité de la politique agricole nationale et interroge sur la capacité de l’État à transformer ses ambitions productivistes en résultats concrets, au-delà des slogans.

Ludovic Amara

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