L’affaire Martinez Zogo s’enlise dans un labyrinthe judiciaire sans précédent au Cameroun. Plus de deux ans après l’assassinat brutal de l’animateur retrouvé mort le 17 janvier 2023 près de Yaoundé, la justice peine à avancer malgré l’arrestation d’une vingtaine de suspects de haut rang. Entre documents disparus, coupures de courant mystérieuses lors des audiences et affrontements entre familles du défunt, ce procès tentaculaire révèle les failles d’un système judiciaire mis à l’épreuve par les puissants réseaux d’influence impliqués dans cette affaire.
Disparition d’indices et guerre des clans : les dessous d’un procès saboté
La dernière audience du 17 avril a marqué un tournant décisif dans cette saga judiciaire interminable. « Depuis le début du procès, nous avons constaté de graves irrégularités », dénonce Me Seri Simplice Zokou, avocat de Léopold Maxime Eko Eko, ancien patron de la DGRE. L’argument phare de la défense : l’ordonnance de renvoi devant le tribunal militaire ne porterait pas la signature du greffier, condition pourtant essentielle selon la jurisprudence camerounaise.
Cette pièce cruciale du dossier a d’ailleurs mystérieusement disparu pendant plusieurs semaines avant de réapparaître, incomplète, deux jours avant une audience clé. Une « disparition orchestrée » selon certains avocats, qui illustre parfaitement les manipulations en coulisses.
L’implication de figures majeures du pouvoir camerounais complique davantage l’équation. Jean-Pierre Amougou Belinga, puissant homme d’affaires et propriétaire du groupe L’Anecdote, est soupçonné d’avoir commandité le crime. Le lieutenant-colonel Justin Danwe, directeur des opérations de la DGRE, est accusé d’avoir supervisé l’enlèvement et la torture.
Un épisode particulièrement troublant s’est produit le 1er décembre 2023, lorsqu’une ordonnance de mise en liberté provisoire a été rendue en faveur d’Amougou Belinga et Eko Eko, avant d’être désavouée par le tribunal militaire pour « erreur de procédure ». Le magistrat responsable, Florent Aimé Sikati II Kamwo, a été écarté du dossier dans la foulée.
Pendant ce temps, le corps de Martinez Zogo repose toujours à la morgue, otage d’une querelle successorale entre deux branches de sa famille. D’un côté, son ex-épouse et ses enfants, de l’autre, Diane, l’épouse officiellement reconnue, soutenue par les frères et sœurs biologiques du défunt.
La prochaine audience est fixée au 15 mai à la Cour d’appel, mais peu d’observateurs croient à une résolution rapide. En toile de fond se dessine une guerre de clans au sommet de l’État, opposant Ferdinand Ngoh Ngoh, secrétaire général de la présidence, à Samuel Mvondo Ayolo et Laurent Esso, réputés proches d’Amougou Belinga.
Cette affaire aux ramifications infinies révélera-t-elle un jour la vérité sur l’assassinat de Martinez Zogo, ou s’ajoutera-t-elle à la longue liste des crimes impunis contre les journalistes au Cameroun ?