95 milliards de FCFA. C’est le montant colossal annoncé ce 12 novembre à Douala pour transformer l’aéroport international et porter sa capacité à 2,5 millions de passagers par an d’ici juin 2028. Une ambition énorme qui fait déjà réagir les experts du secteur aérien, certains saluant un « tournant stratégique », d’autres redoutant « un nouveau chantier à rallonge ».
« Nous allons moderniser une plateforme vitale pour l’économie nationale », a assuré un cadre du projet.
Mais cette promesse suffira-t-elle à rassurer les voyageurs, les opérateurs et les riverains, souvent échaudés par les retards passés ? La question fait déjà débat.
Un chantier pharaonique pour repositionner Douala dans la région
La rénovation et l’extension de l’aéroport de Douala constituent l’un des projets les plus ambitieux de ces dernières années dans le secteur des transports camerounais. Le plan prévoit :
- une enveloppe globale de 95 milliards FCFA,
- un financement majoritairement porté par l’AFD,
- une capacité passagers revue à 2,5 millions/an,
- une mise en conformité avec les normes internationales OACI,
- un objectif de livraison fixé à juin 2028.
Cette montée en puissance ambitionne de faire de Douala un hub sous-régional crédible, capable d’absorber la hausse du trafic en Afrique centrale et dans le golfe de Guinée.
Un pavage aéronautique de 36 000 m² confié à CHEC
Phase la plus avancée : la création d’une nouvelle aire de stationnement des avions.
Le chantier, évalué à 10,4 milliards de FCFA, a été attribué à l’entreprise chinoise CHEC, chargée de livrer les travaux en 12 mois.
Objectif :
✔ décongestionner les opérations au sol,
✔ fluidifier les décollages et atterrissages,
✔ accompagner la future montée du trafic régional.
Mais certains spécialistes interrogés par 237online.com rappellent que plusieurs projets similaires confiés à des acteurs étrangers ont connu des retards chroniques.
« Le défi, ce n’est pas le financement. C’est de tenir les délais dans un site aussi contraint », glisse un ingénieur aéronautique basé à Bonanjo.
Inquiétudes : transparence, délais et gouvernance au cœur des débats
Si le montant annoncé impressionne, il soulève également des interrogations légitimes.
Des antécédents qui inquiètent
Douala n’en est pas à son premier chantier complexe. Les travaux de rénovation du terminal, lancés il y a quelques années, avaient accumulé :
- des retards,
- des surcoûts,
- des interruptions techniques,
- et plusieurs réajustements contractuels.
De quoi alimenter un scepticisme populaire : « On connaît nos histoires ici… tant que ce n’est pas livré, tu ne cries pas victoire », glisse une commerçante du quartier Ndogpassi.
Le rôle central du maître d’ouvrage questionné
Pour d’autres observateurs, la clé du succès réside dans la gouvernance :
« Un projet de 95 milliards exige une transparence impeccable. Qui valide ? Qui contrôle ? Qui rend des comptes ? », interroge un économiste spécialisé dans les infrastructures.
Plusieurs acteurs de la société civile appellent d’ailleurs à la publication régulière des étapes du projet pour éviter les « zones d’ombre ».
Un pari économique majeur pour le Cameroun
Si le chantier aboutit dans les délais, l’aéroport de Douala pourrait :
- booster les investissements,
- faciliter l’arrivée de nouvelles compagnies internationales,
- renforcer les performances touristiques,
- et améliorer l’image aérienne du Cameroun dans la sous-région.
Pour beaucoup, ce projet est une opportunité rare de corriger les faiblesses d’une infrastructure souvent saturée, parfois jugée « vieillissante » par les usagers.
Avec ses 95 milliards de FCFA, le projet de modernisation de l’aéroport de Douala apparaît comme l’un des chantiers les plus stratégiques de la décennie. Mais le véritable enjeu reste la capacité à livrer dans les temps, sans dérapages et avec une transparence totale.
Les Camerounais, eux, attendent — mais restent prudents.
Ce méga-projet sera-t-il enfin celui qui change tout ?
