(Investir au Cameroun) – Inscrit dans la loi de finances 2026, le nouveau dispositif de déchéance applicable aux parcelles relevant du domaine privé de l’État encadre plus strictement l’acquisition de ces terrains. Il établit un lien direct entre le non-respect, par le bénéficiaire, des obligations attachées à l’acte d’attribution, la perte des droits et la revalorisation du prix des lots remis sur le marché.
La déchéance correspond à la perte du droit d’occuper ou d’exploiter une parcelle en cas de manquement aux obligations prévues dans l’acte administratif d’attribution et de transfert de droits, notamment en matière de mise en valeur. Le texte prévoit que cette déchéance est constatée, un an après la date d’attribution du lot domanial, par décision du ministre en charge des Domaines. À partir de ce constat, la valeur du lot frappé de déchéance est recalculée sur la base d’une grille progressive appliquée à la valeur initiale de vente.
Une grille de revalorisation progressive des lots déchus
Le barème introduit par la réforme prévoit une revalorisation de 10 % de la valeur initiale au titre des deux premières années suivant l’attribution, portée à 20 % pour la troisième et la quatrième année, puis à 30 % à partir de la cinquième année.
Concrètement, une personne physique ou une entreprise qui acquiert un terrain à 10 millions FCFA dans le domaine privé de l’État et ne le met pas en valeur au bout d’un an verra ce lot, en cas de déchéance, revalorisé à 11 millions FCFA après deux ans, à 12 millions FCFA après trois et quatre ans, puis à 13 millions FCFA à compter de la cinquième année. Cette revalorisation accompagne la remise sur le marché des parcelles déchues.
Un instrument de mobilisation des ressources et de sécurisation du foncier public
La mesure s’inscrit dans une stratégie de mobilisation interne des ressources et de sécurisation du capital foncier public, dans un contexte de besoins budgétaires croissants. En renchérissant progressivement le coût des terrains non valorisés, elle exerce une pression accrue sur les investisseurs qui bénéficiaient des incitations fiscales de la loi sur l’investissement de 2013, révisée en 2017, mais contribuaient à la spoliation du domaine privé de l’État en ne mettant pas les terrains en valeur dans les délais prévus.
Le dispositif entend ainsi limiter les comportements de rétention spéculative sur les parcelles domaniales tout en améliorant les recettes liées à leur cession ou à leur réattribution.
Le périmètre du domaine privé de l’État
L’ordonnance n° 74-2 du 6 juillet 1974 définit le domaine privé de l’État comme l’ensemble des biens meubles et immeubles acquis par l’État à titre gratuit ou onéreux. Il comprend les terrains supportant les édifices, constructions, ouvrages et aménagements réalisés et entretenus par l’État, ainsi que les immeubles dévolus à l’État.
Y sont également intégrées les concessions rurales ou urbaines frappées de déchéance ou du droit de reprise, ainsi que les biens des associations dissoutes pour fait de subversion ou pour atteinte à la sûreté intérieure ou extérieure de l’État, entre autres. C’est sur cet ensemble que vient désormais se greffer la grille de revalorisation appliquée aux lots déchus.
Alignement avec le traitement des autres actifs
Pour des fiscalistes, la réforme aligne le traitement du foncier sur celui des autres actifs, en étendant au domaine privé de l’État une disposition déjà appliquée aux actifs des entreprises depuis plus d’une dizaine d’années. Elle corrige une faiblesse du dispositif existant, qui avait laissé prospérer une insuffisance de valorisation des terres.
« En concédant des terres aux investisseurs, ces lots deviennent des actifs pour les acquéreurs et l’État estime qu’il faut désormais les revaloriser en mesure que le temps passe », explique l’économiste-fiscaliste Jean Marie Mbiada. Selon ces experts, la mesure poursuit un triple objectif : mobilisation accrue des recettes, sécurisation du domaine privé de l’État et lutte contre sa spoliation, notamment par certains bénéficiaires de régimes incitatifs qui ne mettaient pas les terrains en valeur dans les délais.
Frédéric Nonos
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