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Corridor Douala–Yaoundé–Brazzaville : l’essor des bus via Sangmelima–Ouesso rebat les cartes face au transport aérien


(Investir au Cameroun) – Sur la liaison Douala–Yaoundé–Brazzaville, après United Express et Buca Voyage déjà positionnées entre le Cameroun et le Congo, Touristique Express et Touristique Logistique lanceront, le 11 décembre 2025, une nouvelle ligne internationale en partenariat avec la société congolaise Océan du Nord. Elles viennent ainsi renforcer une offre encore récente, mais déjà très concurrentielle, où les bus se posent en alternative aux compagnies aériennes.

Dans ce dispositif, Touristique Express assurera la desserte côté camerounais jusqu’au poste frontalier de Ntam, tandis qu’Océan du Nord prendra le relais en territoire congolais pour desservir plusieurs localités, dont Brazzaville. Les départs du Cameroun vers le Congo sont programmés chaque lundi et jeudi depuis Douala et Yaoundé, à 70 000 FCFA au départ de Douala et 65 000 FCFA au départ de Yaoundé. Dans le sens inverse, les passagers quitteront Brazzaville chaque mardi et vendredi pour rejoindre Ntam, avant de poursuivre leur trajet vers Yaoundé et Douala. Les réservations ouvrent à partir du 7 décembre 2025.

La route Sangmelima–Ouesso, maillon manquant désormais complété

L’intérêt croissant des transporteurs camerounais pour le marché congolais tient directement à l’achèvement, en 2021, de la section camerounaise de la route transfrontalière Sangmelima–Ouesso. Longue de 321 km côté Cameroun, contre 312 km côté congolais, cette infrastructure a été présentée comme le « chaînon manquant » du corridor routier Yaoundé–Brazzaville.

Selon la Banque africaine de développement (BAD), l’un des principaux bailleurs de ce projet intégrateur dans la zone Cemac, cette route s’inscrit dans un corridor alternatif à l’axe Windhoek (Namibie)–Tripoli (Libye). Elle doit relier la République centrafricaine au Cameroun puis au Gabon, et assurer l’interconnexion avec la route Brazzaville–Pointe-Noire au Congo.

La section camerounaise, d’un coût de plus de 205 milliards FCFA, a été cofinancée par la BAD et plusieurs bailleurs arabes, dont la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (Badea), la Banque islamique de développement (BID), le Fonds saoudien de développement et le Fonds koweïtien. Avec ce tronçon désormais opérationnel, le corridor Yaoundé–Brazzaville devient un marché à part entière que les compagnies de bus de passagers cherchent à conquérir.

Tarifs, fréquences, confiance : les armes de la bataille commerciale

Sur ce marché naissant, les opérateurs misent sur un mix de fréquences régulières, de grilles tarifaires ciblées et de coordination transfrontalière. L’association entre Touristique Express et Océan du Nord illustre cette stratégie : un même voyage, pris en charge par des opérateurs différents de part et d’autre de la frontière, mais présenté comme une chaîne de transport intégrée pour le client.

Dans un contexte marqué par des arnaques en ligne récurrentes dans le transport interurbain, la confiance devient un levier commercial central. Les compagnies indiquent que les paiements numériques ne seront pas acceptés : l’achat des billets devra se faire exclusivement en agences physiques, au Cameroun comme au Congo, afin de couper court aux fraudes alimentées par de faux sites internet et de faux comptes de réservation.

En multipliant les offres sur un même axe, les transporteurs installent une concurrence frontale pour capter une clientèle transfrontalière en expansion – commerçants, fonctionnaires, étudiants, travailleurs migrants ou voyageurs de long cours –, tous sensibles au coût, à la fréquence et à la fiabilité des liaisons.

Face à l’avion : l’argument massue du prix

L’essor de la route Sangmelima–Ouesso vient concurrencer directement le transport aérien, jusqu’ici principale option structurée entre le Cameroun et le Congo-Brazzaville. Avant sa mise en service, l’essentiel des flux de passagers – et une partie des marchandises – entre Douala, Yaoundé et Brazzaville passait par l’avion, avec des billets chiffrés en plusieurs centaines de milliers de FCFA, hors de portée d’une large partie de la demande.

Avec des billets à 70 000 FCFA au départ de Douala et 65 000 FCFA au départ de Yaoundé, les bus proposent une alternative nettement plus abordable, au prix d’un trajet de longue durée, souvent étalé sur plus d’une journée selon les correspondances et les conditions de circulation. Les liaisons routières autorisent aussi le transport de marchandises et de bagages en volumes plus importants qu’en avion, un paramètre déterminant pour les commerçants et petits opérateurs transfrontaliers.

L’impact sur le trafic aérien reste difficile à quantifier faute de statistiques consolidées, mais les opérateurs routiers voient déjà dans ce basculement un relais de croissance. Certains voyageurs à destination de la République démocratique du Congo (RDC) optent désormais pour un trajet Douala–Brazzaville par la route, puis une traversée du fleuve Congo pour rejoindre Kinshasa. Même en intégrant le coût de la traversée et des formalités, la facture peut rester inférieure à celle d’un vol direct, illustrant une forte sensibilité au prix et un arbitrage croissant entre temps de trajet, flexibilité et coût global.

Un marché sous-régional en expansion, un secteur encore fragile

La montée en puissance du corridor Yaoundé–Brazzaville s’inscrit dans une dynamique d’intégration sous-régionale au sein de la Cemac, soutenue par les investissements routiers. La multiplication des dessertes Cameroun–Congo illustre l’émergence d’un marché sous-régional de la mobilité, sur lequel les compagnies de bus camerounaises entendent jouer un rôle central.

La route demeure toutefois contrainte par la longueur des trajets, les risques d’accidents, l’état de la chaussée, les contrôles policiers répétés et les difficultés logistiques en saison des pluies. La capacité des compagnies à maintenir des fréquences régulières, à assurer la sécurité et à préserver des tarifs compétitifs sera déterminante pour la pérennité économique de ces lignes.

Sur la liaison Cameroun–Congo, la bataille se joue désormais à la fois entre opérateurs routiers et face aux compagnies aériennes : confiance des passagers, maîtrise des coûts et continuité du service décideront des acteurs appelés à s’installer durablement sur le corridor Douala–Yaoundé–Brazzaville.

Amina Malloum

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