(Investir au Cameroun) – Dans la loi de finances 2026 de l’État du Cameroun, le gouvernement introduit des mesures fiscales ciblées pour encourager la production locale de bitume, intrant stratégique pour les infrastructures routières. « Les biens d’équipement techniques destinés à l’industrie de production du bitume de pétrole sont exonérés de droits et taxes de douane à l’importation. Les intrants destinés à la production locale du bitume de pétrole bénéficient d’un droit de douane au taux réduit de 5 % et de l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à l’importation », stipule le texte adopté à l’Assemblée nationale.
Concrètement, à compter de 2026, les machines et équipements destinés à la construction d’usines de production de bitume au Cameroun ne supporteront plus de droits ni de taxes de douane. Dans le même temps, les matières premières nécessaires à la production locale de bitume ne seront plus assujetties à la TVA à l’importation et ne supporteront qu’un droit de douane de 5 % sur la valeur d’achat. L’exécutif entend ainsi impulser une base industrielle locale du bitume, avec en ligne de mire une réduction d’environ 30 % des coûts des infrastructures routières, selon les estimations d’experts du BTP.
De sources autorisées, ces mesures visent principalement le projet d’usine de production de bitume dans la zone industrialo-portuaire de Kribi, porté par la société à capitaux camerounais All Bitumen PLC. Le projet prévoit une capacité annuelle de 250 000 tonnes de bitume, adossée à une mini-raffinerie de pétrole de 10 000 barils par jour chargée de fournir la matière première.
Afreximbank en pôle position pour le financement
D’un coût estimé à 161 milliards de FCFA, l’usine de Kribi devrait générer entre 300 et 400 emplois directs et environ 1 500 emplois indirects. Son financement est attendu de la Banque africaine d’import-export (Afreximbank). Depuis fin 2024, l’institution panafricaine a signé avec All Bitumen PLC un mandat d’arrangeur, qui lui permet à la fois de participer au financement et de mobiliser d’autres partenaires financiers.
Selon des responsables d’All Bitumen PLC, Afreximbank, spécialisée dans le financement de projets favorisant les échanges intra-africains, a déjà apporté près de 2 milliards de FCFA (3 millions d’euros) pour les études de maturation du projet. Les travaux de préparation du site de 60 hectares, mis à la disposition de l’entreprise, ont démarré en mars 2025. Le lancement des travaux de construction est envisagé en 2026. En amont, All Bitumen a engagé des discussions avec quatre entreprises et groupements d’entreprises européens et asiatiques, selon des sources proches du dossier.
Le projet suscite un fort intérêt de la part de l’État camerounais, qui s’est engagé à prendre une participation comprise entre 5 et 15 %, indiquent des sources autorisées. « L’État, qui nous accompagne, s’emploie à faire tout ce qui est de son ressort pour que le projet se réalise », se félicite Ahmadou Oumarou, directeur général d’All Bitumen PLC.
30 % de réduction sur le coût des infrastructures routières
L’usine de bitume en gestation à Kribi est au cœur de la stratégie du gouvernement, qui ambitionne de porter le linéaire de routes bitumées à 11 300 km en 2027, contre 9 885 km en 2023. « La réalisation de cet objectif passe par le soutien à la construction d’une usine de production du bitume », reconnaît le gouvernement dans le Document de programmation économique et budgétaire à moyen terme, élaboré par le ministère des Finances en prélude au débat d’orientation budgétaire 2024 à l’Assemblée nationale.
Depuis plusieurs années, le Cameroun est réputé avoir certaines des routes les plus coûteuses du continent. Lors d’une réunion des points focaux du Conseil national de la route (Conaroute) en 2013, le coût moyen du kilomètre de route bitumée y était estimé à environ 205 millions de FCFA, contre une moyenne africaine de 100 millions de FCFA. Dans un rapport publié en 2018, la Banque mondiale indiquait déjà que certaines infrastructures routières au Cameroun coûtaient de deux à six fois plus cher que des projets africains de même niveau.
Selon les autorités, ces surcoûts sont notamment liés au prix du bitume, largement importé et jugé onéreux. Le développement d’une production nationale de cet intrant doit donc, logiquement, contribuer à infléchir la courbe des prix des infrastructures routières, avec un potentiel de baisse allant jusqu’à 30 %, d’après les experts du BTP.
Brice R. Mbodiam
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