Depuis le 12 octobre 2025, plus de 300 cas d’exactions ont été signalés par des organisations locales, une statistique qui glace le sang et qui résume l’atmosphère lourde autour de la crise post-électorale. C’est dans ce contexte explosif qu’une lettre ouverte, signée par Jean-Claude Mbede Fouda, catholique et laïc engagé, secoue l’Église camerounaise.
Adressée à Mgr Jean Mbarga, Archevêque de Yaoundé, cette interpellation dénonce un « silence pesant » face aux massacres, arrestations et tortures attribués au régime. « Ce n’est plus tenable, Monseigneur doit parler », confie un fidèle rencontré à la Cathédrale Notre-Dame.
La question dérange : l’Église peut-elle encore rester silencieuse ?
Un cri de détresse adressé à l’Archevêque
Dans sa lettre, Jean-Claude Mbede Fouda adopte un ton direct, presque tremblant d’émotion. Il parle en « fils de l’Église », rappelant son passage en séminaire, ce qui rend son message encore plus poignant.
Il dénonce une répression brutale :
- massacres ciblés,
- tortures filmées,
- enlèvements,
- exécutions extrajudiciaires.
Selon lui, « le peuple de Dieu souffre pendant que la cathèdre de Yaoundé reste muette ». Une phrase qui résonne comme un coup de gong dans un pays où la parole ecclésiale a toujours pesé lourd.
Ce reproche de silence n’est pas nouveau, mais rarement il avait été formulé avec autant de vigueur.
Silence de l’Église : prudence ou complicité ?
Une interpellation directe de Mgr Jean Mbarga
L’auteur cite l’Évangile de Jean sur « le bon pasteur », accusant implicitement l’Archevêque de se comporter comme « le mercenaire qui fuit devant le loup ».
Dans un passage particulièrement fort, il évoque les décès de Mgr Benoît Balla et Martinez Zogo, pointant des « dérives récurrentes jamais condamnées frontalement ».
Selon plusieurs catholiques interrogés à Yaoundé, cette lettre exprime « un ras-le-bol qui couvait depuis longtemps ». Pour certains, l’Église hésite à s’exposer dans un contexte politique tendu. Pour d’autres, « ce n’est pas du jeu ! », l’institution serait devenue trop proche des élites.
L’auteur appelle l’Archevêque à retrouver « l’héritage de Mgr Jean Zoa et Mgr Paul Etoga », figures connues pour leur franchise face au pouvoir.
Entre devoir prophétique et crise nationale
Une lettre qui réveille un débat essentiel
Jean-Claude Mbede Fouda demande explicitement au prélat de dénoncer :
- la gérontocratie symbolisée selon lui par un chef d’État nonagénaire,
- les massacres attribués à l’armée,
- l’ethnicisation du pouvoir,
- la répression contre les jeunes, majorité démographique.
Une phrase forte revient :
« Osez dire au régime qu’on ne massacre pas une nation pour sauver une famille. »
Plusieurs prêtres contactés sous anonymat estiment que cette lettre « met des mots sur une douleur partagée, mais rarement exprimée publiquement ».
L’auteur prévient : le silence actuel « fera payer un prix lourd aux générations futures », notamment dans la communauté Béti.
Pour lui, Mgr Mbarga doit impérativement suivre l’exemple de Mgr Tonye Bakot ou Mgr Samuel Kleda, souvent plus incisifs dans leurs prises de position.
Cette lettre ouverte, simple dans sa forme mais puissante dans son fond, ravive un débat sensible : celui du rôle moral de l’Église en période de crise nationale. Beaucoup attendent désormais une réaction officielle de l’Archevêque.
Mais une question demeure, presque douloureuse : l’Église de Yaoundé osera-t-elle enfin rompre le silence ou laissera-t-elle ses fidèles affronter seuls la tempête ?



