Plus de 1 200 milliards de FCFA auraient été perdus en dix ans dans les détournements liés aux finances publiques, selon plusieurs rapports officiels et audits internes. Alors que la question de la corruption reste au cœur des colères sociales, le pouvoir évoque désormais la relance de l’Opération Épervier, campagne anticorruption emblématique depuis 2006. Lors de sa prestation de serment devant le Parlement à Yaoundé, le président Paul Biya a promis de « restaurer l’exemplarité publique ». Mais dans la rue, beaucoup doutent.
« On a déjà entendu ça. » soupire Jonas, commerçant à Elig-Edzoa.
Alors, simple coup de communication ou changement réel ?
Une nouvelle promesse dans un contexte tendu
Le chef de l’État, âgé de 92 ans, a placé cette annonce dans un discours solennel prononcé au Palais de verre de Yaoundé, sous les caméras du monde entier. Le message était clair :
➡️ assainir la gestion publique,
➡️ reconstruire la confiance sociale,
➡️ et rassurer l’opinion après un scrutin post-électoral contesté.
L’Opération Épervier, lancée en 2006, avait conduit à l’arrestation de plusieurs hauts responsables, anciens ministres et cadres de l’administration. Mais sa portée reste discutée.
Un enseignant-chercheur à l’Université de Yaoundé II analyse :
« Épervier a puni quelques individus, mais n’a jamais transformé le système. »
Ce constat revient dans toutes les régions du Cameroun.
Opération Épervier : symbole ou solution durable ?
Si le gouvernement se félicite de « progrès tangibles », de nombreux observateurs rappellent que :
- Les fonds détournés ne sont presque jamais récupérés.
- Les procès sont souvent interminables.
- Les institutions de contrôle – Chambre des Comptes, CONAC – disposent de peu de moyens contraignants.
- Les patrimoines des hauts responsables ne sont toujours pas réellement déclarés, malgré l’article 66 de la Constitution.
À Douala-Bonamoussadi, Audrey, étudiante en économie, s’interroge :
« Si personne ne rend des comptes, à quoi bon recommencer la même opération ? »
Plusieurs analystes estiment que sans réforme structurelle, la relance de l’Épervier risque d’être une annonce symbolique destinée à répondre à la pression sociale.
Ce qui manque réellement au Cameroun
Les spécialistes anticorruption évoquent trois priorités incontournables :
| Domaine | Mesures attendues |
|---|---|
| Transparence | Publication systématique des marchés publics |
| Justice indépendante | Procédures accélérées & non politisées |
| Contrôle citoyen | Participation des syndicats & médias d’investigation |
Le Cameroun pourrait s’inspirer de modèles africains ayant réduit la corruption par traçabilité numérique, sanctions rapides et audits publics ouverts.
La promesse de relancer l’Opération Épervier touche une question sensible : celle de la confiance dans l’État.
Les Camerounais attendent des preuves, pas des slogans.
Question ouverte :
Ce septennat marquera-t-il enfin la fin de l’impunité ou verra-t-on simplement l’Épervier voler encore au-dessus des mêmes arbres ?



