La scène était solennelle, le ton grave. Le 6 novembre 2025, Paul Biya a prêté serment pour la neuvième fois devant le Parlement réuni à Yaoundé. Mais dans les quartiers populaires, les campus et les réseaux sociaux, un autre discours circule : « On veut des changements, pas des promesses ». Depuis la proclamation des résultats du 12 octobre, une fracture s’est installée entre institutions et population, en particulier chez les jeunes. La question centrale demeure : ce mandat marquera-t-il enfin un tournant concret ? Et si oui, quand ?
Une génération en décalage
Dans son discours, Paul Biya a appelé à « plus d’audace, plus de créativité, plus d’innovation ».
Un message adressé directement à la jeunesse.
« Vous, Camerounais de la diaspora, diplômés, entrepreneurs : le moment est venu de mettre votre expertise au service de votre pays », a-t-il lancé.
Mais sur le terrain, la réalité reste rude :
- 6 jeunes sur 10 sont en situation de sous-emploi ou sans emploi.
- 1 sur 4 déclare vouloir quitter le pays dès que possible (données universitaires 2024).
D’où un sentiment de répétition.
Un étudiant de l’ENS de Yaoundé confie :
« Le discours est beau. Mais on a déjà entendu ça. Ce qui manque, ce sont les preuves. »
Une économie promise à la relance
Le Président a réaffirmé sa priorité :
agriculture + énergie + industrialisation.
Les grands barrages (Lom-Pangar, Memve’ele, Mekin) et la transformation des matières premières sont vus comme les clés de la création d’emplois durables.
Mais la jeunesse demande des calendriers, des chiffres, des dates.
Elle veut savoir qui recrutera, où, et quand.
Car, comme le dit un mot populaire dans les rues de Douala :
« Paroles, ce n’est pas nourriture. »
Gouvernance : entre promesse et vigilance
La lutte contre la corruption est revenue dans le discours, qualifiée de « fléau national ».
Cependant, beaucoup restent prudents.
Selon un professeur de droit public :
« La confiance ne vient pas des déclarations. Elle vient des sanctions. »
La décentralisation, annoncée comme moteur de participation citoyenne depuis plus de vingt ans, reste le chantier le plus attendu.
Ce discours d’investiture cherche à rassurer et remobiliser.
Mais la jeunesse camerounaise n’est plus dans l’écoute passive.
Elle attend des actions visibles, mesurables, rapides.
Alors, une question simple s’impose :
Ce mandat sera-t-il celui qui transformera les mots en réalité – ou une page de plus dans le livre des attentes déçues ?



