Plusieurs dirigeants d’entreprises risquent désormais d’être bloqués aux frontières au Cameroun. Selon un nouvel accord opérationnel entre la CNPS et la Police nationale, tout employeur n’ayant pas réglé ses cotisations sociales se verra refuser la délivrance d’un passeport ou l’autorisation de quitter le territoire. La mesure, entrée en vigueur après l’interconnexion des bases de données entre les deux institutions, marque un tournant majeur. « Ce n’est pas de la menace, c’est de la justice sociale », confie un fonctionnaire proche du dossier. Mais cette décision peut-elle provoquer des abus ou des erreurs administratives lourdes ? Le débat s’ouvre.
La question des cotisations sociales impayées est une vieille plaie au Cameroun. Chaque année, la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNPS) déclare perdre plusieurs milliards de francs CFA, conséquences de fraudes, d’omissions volontaires ou de disparition d’entreprises avant régularisation. Dans ce contexte, les autorités ont décidé de frapper fort.
Une mesure pour forcer la conformité sociale
Désormais, tout employeur redevable à la CNPS devra présenter une attestation de conformité sociale pour obtenir un passeport ou traverser une frontière.
L’accès au système de contrôle est rendu possible grâce à une interconnexion digitale entre la CNPS et la Délégation Générale à la Sûreté Nationale (DGSN).
Concrètement :
- Vous déposez une demande de passeport → votre statut social est automatiquement vérifié.
- Si vous êtes en défaut → refus immédiat jusqu’à paiement des cotisations.
Pour la CNPS, il s’agit d’un moyen de récupération efficace : « Certains employeurs se retrouvent à l’aéroport pour “disparaître” avec l’argent. C’est terminé. » explique un inspecteur.
Entre protection des travailleurs et risque d’abus
L’objectif affiché est clair : protéger les droits sociaux des salariés (retraite, assurance maladie, allocations familiales).
Mais la mesure suscite déjà des inquiétudes juridiques et sociales.
Des avocats interrogés soulignent le risque de violation du droit à la liberté de circulation, principe reconnu par la Constitution.
D’autres s’inquiètent de la fiabilité des données CNPS, parfois sujettes à erreurs de saisie ou dossiers non mis à jour.
Un entrepreneur de Douala confie :
« Si on me bloque par erreur alors que je suis en règle, qui me rembourse mes pertes ? »
Certains économistes redoutent également que la mesure soit utilisée comme levier politique, notamment contre des opérateurs économiques perçus comme critiques envers l’État.
Pour l’instant, le Directeur Général de la CNPS, Noël Alain Mekulu Mvondo Akame, insiste sur la transparence et l’équité dans l’application.
Cette décision pourrait transformer profondément la relation entre l’État, les entreprises et leurs travailleurs.
Mais son efficacité dépendra d’une chose : une application juste, vérifiable et sans discrimination.
La mesure incitera-t-elle réellement les employeurs à régulariser leurs cotisations, ou créera-t-elle de nouvelles tensions dans le climat économique déjà fragile du pays ?
Et vous, que pensez-vous de cette interdiction de voyager ?

