C’est un véritable séisme dans le monde bancaire camerounais. La Caisse des dépôts et consignations du Cameroun (CDEC) accuse Afriland First Bank de retenir 166 milliards FCFA, tandis que la Commission bancaire d’Afrique centrale (COBAC) tente de s’immiscer dans le dossier.
Mais derrière les chiffres, plusieurs observateurs dénoncent une tentative à peine voilée de déstabilisation d’une institution locale stratégique, pilier de la souveraineté financière nationale.
Pourquoi maintenant ? Et à qui profite réellement cette guerre des chiffres ?
237online.com a enquêté.
Un bras de fer à haute tension
Depuis la mi-octobre 2025, le climat est électrique entre la CDEC et Afriland First Bank.
Le 16 octobre, le directeur général de la CDEC, Richard Evina Obam, a adressé une mise en demeure officielle à la première banque camerounaise, lui réclamant plus de 166 milliards FCFA au titre de dépôts publics et séquestres judiciaires.
Dans sa lettre, la CDEC évoque un écart de 36,5 milliards FCFA, auquel s’ajouteraient 4,17 milliards de pénalités, puis une deuxième ligne de 126 milliards liés à l’affaire Bestinver, opposant Baba Danpullo à MTN Cameroun.
Du côté d’Afriland, la position reste mesurée mais ferme : la banque se dit disposée à « collaborer dans le strict respect de la loi camerounaise », tout en rappelant qu’elle agit sous supervision directe de la COBAC, autorité régionale de régulation bancaire.
CDEC contre COBAC : la bataille des compétences
Ce dossier dépasse désormais la simple querelle financière.
Il met en lumière la fracture croissante entre souveraineté nationale et régulation régionale au sein de la CEMAC.
La COBAC soutient que tout dépôt, même public, placé dans une banque commerciale, relève de son contrôle.
À l’inverse, la CDEC affirme que la loi camerounaise n° 2008/003 lui accorde un monopole absolu sur les consignations et séquestres.
« Ce conflit est révélateur d’une tension institutionnelle plus large », explique un économiste de Yaoundé, contacté par 237online.com.
« Il s’agit moins d’une question de trésorerie que d’un affrontement symbolique : qui, de la CEMAC ou du Cameroun, détient le dernier mot sur les avoirs publics du pays ? »
Une chose est certaine : Afriland First Bank se retrouve au cœur d’une bataille dont elle n’est pas l’initiatrice, mais qui touche à des enjeux de souveraineté économique.
Entre intégration régionale et patriotisme économique
Pour Yaoundé, la CDEC est avant tout un instrument du Trésor public, et non une banque commerciale.
Mais pour de nombreux Camerounais, c’est surtout Afriland First Bank qui incarne la stabilité financière nationale, présente depuis plus de trente ans sur tout le territoire et soutenant les PME, l’agriculture et l’innovation locale.
« Ce n’est pas du jeu ! », lance un entrepreneur du Marché Central de Douala.
« Quand on voit comment Afriland soutient nos projets, on ne comprend pas pourquoi on veut la fragiliser. »
Cette perception populaire renforce l’idée d’un bras de fer au parfum de souveraineté, où la Banque des Camerounais défend, malgré elle, la capacité du pays à contrôler ses propres flux financiers face aux injonctions régionales.
Enjeux régionaux : l’épreuve de vérité pour la CEMAC
Pendant que cette affaire enflamme Yaoundé et Douala, la Bourse régionale des valeurs mobilières (BVMAC) vit une mutation historique : l’entrée prochaine de BGFI Holding Corporation, pour 125,8 milliards FCFA, validée par la Cosumaf.
Un signal fort d’intégration, mais aussi une preuve que les intérêts régionaux et nationaux doivent coexister, sans étouffer les acteurs locaux.
Au-delà des tensions, le dossier CDEC – Afriland interroge : la CEMAC est-elle prête à respecter la diversité des modèles nationaux ?
Et le Cameroun saura-t-il défendre sa souveraineté financière sans compromettre la stabilité régionale ?
Le bras de fer entre la CDEC et Afriland First Bank dépasse les chiffres : c’est une bataille d’influence entre régulation communautaire et souveraineté camerounaise.
Afriland, fidèle à son engagement pour le développement national, reste debout face à la tempête.
Dans un contexte où chaque franc compte, les Camerounais attendent désormais des actes clairs pour préserver l’équilibre de leur système bancaire.

