À Douala, un conflit foncier au quartier Bonantonè secoue la ville. Pierre Ntchouanang, entrepreneur connu pour sa boulangerie Meno, accuse la famille Kala Manga de l’avoir dépossédé du terrain sur lequel il avait bâti, depuis plusieurs années, un immeuble de plusieurs étages.
« On m’a dit de porter mon immeuble sur la tête et de rentrer chez moi », déclare-t-il, abattu.
L’affaire, qui fait grand bruit à Deido, relance le débat sur la sécurité foncière et les abus dans les baux traditionnels. Jusqu’où ira ce bras de fer entre justice et pouvoir coutumier ?
Une boulangerie devenue un empire local
Tout a commencé il y a plusieurs années. Pierre Ntchouanang, commerçant originaire de l’Ouest, arrive à Bonantonè avec un rêve simple : ouvrir une boulangerie de quartier.
Grâce à un bail signé avec la famille Kala Manga, il installe sa petite enseigne « Boulangerie MENO » au rond-point Deido. Très vite, l’affaire prospère : le pain se vend comme des petits beignets au marché Mboppi, les habitants l’adoptent, et le commerce devient florissant.
Fier de ses résultats, Ntchouanang renforce les fondations, puis érige un premier étage pour un glacier. Le succès aidant, il construit un deuxième, puis un troisième niveau destiné à des appartements meublés.
Mais au moment où il pense avoir assuré son avenir, tout bascule.
La famille Kala Manga exige la restitution du terrain
Selon plusieurs témoins du quartier, la famille Kala Manga aurait brusquement exigé que l’entrepreneur quitte les lieux sans autre forme de négociation.
« Ils ne veulent plus vendre, ni renouveler le bail, ni même discuter », explique un proche du dossier.
Les membres de la famille, héritiers du terrain ancestral, affirment que le contrat initial ne prévoyait aucune construction en dur.
Pierre Ntchouanang, de son côté, assure que le bail avait été reconduit plusieurs fois et accuse ses bailleurs d’avoir « attendu que les investissements soient faits pour tout récupérer ».
Une source locale parle d’un “piège juridique bien ficelé”, tandis qu’un autre commerçant du secteur s’indigne :
« Si un homme peut perdre ainsi tout ce qu’il a bâti, quel avenir pour les petits investisseurs à Douala ? »
Bonantonè, symbole d’un désordre foncier inquiétant
L’affaire Ntchouanang–Kala Manga n’est pas un cas isolé. À Douala, on dénombre plus de 500 conflits fonciers similaires, souvent entre locataires et familles traditionnelles.
Dans la plupart des cas, les baux sont flous, verbaux ou rédigés sans protection juridique claire.
Un juriste du barreau de Douala explique :
« Nous sommes face à un vide entre le droit coutumier et le droit moderne. Beaucoup de contrats sont contestables, mais les tribunaux traînent. »
Deido, Bali, Akwa et Bonabéri figurent parmi les zones les plus touchées par ces conflits où des entrepreneurs locaux perdent leurs biens du jour au lendemain, souvent après des années d’investissement.
Un appel à la réforme du code foncier
Au-delà du cas de Pierre Ntchouanang, cette affaire interroge sur le climat des affaires au Cameroun.
Comment attirer les investisseurs si la propriété ou le droit d’usage reste aussi fragile ?
Des associations civiles appellent à une réforme urgente du code foncier, notamment pour harmoniser le bail coutumier et le bail moderne.
« Ce n’est pas du jeu », lance un habitant de Bonantonè, témoin du litige.
Pendant ce temps, Pierre Ntchouanang continue de se battre pour récupérer son bien. Son immeuble, estimé à plus de 70 millions de francs CFA, risque la démolition à tout moment.
Un rêve brisé ou un symbole de résistance ?
Pour beaucoup, le cas Ntchouanang illustre le dilemme camerounais entre ambition et insécurité juridique.
Alors que le pays promeut l’investissement local, de tels épisodes sapent la confiance et freinent l’esprit d’entreprise.
La question reste entière : combien d’autres “Ntchouanang” devront encore tomber avant que la loi protège réellement ceux qui bâtissent le Cameroun de demain ?



