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Electricité : la stratégie du Cameroun pour mettre fin au casse-tête du non paiement des factures des entités publiques


(Investir au Cameroun) – A partir de l’année 2026, le gouvernement camerounais projette de mettre la pression sur les entités publiques habituées à accumuler des impayés de factures d’électricité. En effet, très souvent, pour atténuer les tensions de trésorerie de la société Eneo, concessionnaire du service public de l’électricité dans le pays, le Trésor public est obligé de se substituer à ces entités publiques pour apurer ces impayés, dont le volume sans cesse croissant menace de plus en plus l’équilibre budgétaire de l’Etat.

Objectif de la réforme annoncée : « mettre en place un mécanisme pour garantir le paiement régulier et intégral des factures des entités publiques », apprend-on du Compact énergie national. Il s’agit de la feuille de route que vient d’élaborer l’Etat du Cameroun en collaboration avec ses partenaires internationaux, en vue du développement des infrastructures énergétiques durables dans le pays à l’horizon 2030.

Selon le document, afin de contraindre les entités publiques à payer mensuellement leurs consommations d’électricité, plusieurs mesures sont envisagées. « Pour les établissements publics :  introduire dans le fichier de payement des salaires du mois N, les factures d’électricité du mois N-1 ; prendre en compte dans leurs budgets les arriérés de consommation d’électricité ; prélever à la source les subventions des entités bénéficiaires, en compensation de leurs consommations d’énergie en cas d’arriérés persistants. Pour les entreprises publiques : prélever à la source, pour les entreprises bénéficiaires des acomptes, les montants dus aux consommations d’électricité », énumère le Compact énergie de l’Etat du Cameroun.

Entités publiques : 7 milliards FCFA de factures à payer par mois

L’Etat central n’est pas en reste dans la croisade que se prépare à lancer les autorités camerounaises contre le phénomène des impayés de factures d’électricité, qui contribue à plomber l’équilibre financier du secteur de l’électricité au Cameroun. A ce titre, apprend-on officiellement, il est prévu, d’une part, d’« élaborer d’ici fin 2025 un plan de règlement des dettes croisées entre l’Etat et le concessionnaire, poser systématiquement des compteurs communicants sur les points de livraison de l’Etat d’ici fin 2026 », et d’autre part, « élaborer un texte réglementaire contraignant définissant les modalités de paiements des factures d’électricité de l’Etat central ».

En effet, depuis de nombreuses années, le paiement des consommations d’électricité de l’Etat central et de ses démembrements est un véritable casse-tête pour le gouvernement camerounais. « Nous émettons pour environ 7 milliards de FCFA de factures mensuelles à l’égard des entités publiques (administrations, entreprises publiques, hôpitaux, universités…), mais depuis le début de cette année – 2024 – nos recouvrements se sont limités à 1,5 milliard de FCFA en janvier et à 1,8 milliard en février. Le versement hebdomadaire d’un milliard de FCFA, en guise de paiement partiel des factures de l’État central sur lequel les parties s’étaient accordées pour alléger la facture, n’a été effectué qu’une seule fois durant les mois de janvier et février 2024 », révèle Amine Homman Ludiye, le directeur général (DG) de la société Eneo, dans une interview accordée à Investir au Cameroun en avril 2024.

Le cas emblématique d’Alucam

Autrement dit, au cours des deux premiers mois de l’année 2024, par exemple, sur des consommations d’un montant total de 14 milliards de FCFA facturées aux entités publiques, l’électricien Eneo a encaissé des paiements de seulement 3,3 milliards de FCFA. Ce qui révèle un gap de plus de 10 milliards de FCFA. Au cours de la même période, l’entreprise n’a reçu que 2 milliards de FCFA au titre du paiement partiel des consommations d’électricité de l’Etat central, sur une enveloppe de 8 milliards de FCFA attendue, enregistrant ainsi des impayés de 6 milliards de FCFA.

Sur l’année, ces impayés représentent généralement des sommes importantes, dont est privée la trésorerie du distributeur exclusif de l’électricité au Cameroun. En 2021, par exemple, pour soulager Eneo, société contrôlée par le véhicule d’investissement britannique Actis,  le Trésor public a dû prendre à son compte le paiement des factures d’électricité de la Compagnie camerounaise de l’Aluminium (Alucam), qui cumulait déjà  des impayés de plus de 50 milliards de FCFA. Depuis 2015, suite au retrait du Canadien Rio Tinto, l’Etat du Cameroun contrôle 100% du capital de cette entreprise énergivore. Première consommatrice d’électricité dans le pays, Alucam peine généralement à payer ses factures en raison de difficultés financières quasi-permanentes.

Les mesures contraignantes envisagées par le gouvernement devraient non seulement permettre d’oxygéner la trésorerie d’Eneo avec des paiements intégrales et réguliers des factures de l’Etat et des entités publiques, mais aussi baisser la pression sur le Trésor public. Dans la mesure où, en plus des factures de l’Etat central, le Trésor camerounais se trouve souvent obligé de payer à la place des établissements et entreprises publics insolvables.

Brice R. Mbodiam

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