Statistiques nationales : L’INS passe à un nouvel indice du chiffre d’affaires adossé aux données de TVA


(Investir au Cameroun) – Le Cameroun a présenté à Yaoundé les résultats de la rénovation de son Indice du chiffre d’affaires (ICA), étape majeure de modernisation du système statistique national. Organisé par l’Institut national de la statistique (INS), l’événement a rassemblé administrations, entreprises et partenaires techniques et financiers, dont la Commission économique pour l’Afrique (CEA) et l’Union européenne. Au cœur du chantier : l’exploitation systématique des déclarations de TVA comme source administrative. En substituant une collecte lourde et coûteuse par une base fiscale quasi exhaustive, l’INS gagne en rapidité de production, en couverture et en robustesse méthodologique, tout en s’alignant sur la SND30 et la Norme spéciale de diffusion des données (NSDD) du FMI, qui promeut une publication mensuelle des indicateurs conjoncturels.

L’usage des données de TVA permet de suivre finement le cycle des ventes dans l’économie formelle, avec un maillage sectoriel plus dense et des délais de diffusion resserrés. Pour les décideurs publics comme pour le secteur privé, cela ouvre la voie à un pilotage en temps quasi réel : éclairer l’exécution budgétaire, appuyer les arbitrages de trésorerie, calibrer les politiques de soutien sectoriel et documenter les anticipations des investisseurs. Pour les partenaires au développement, un ICA rénové améliore l’évaluation des programmes et la comparabilité internationale. L’intérêt est également microéconomique : en suivant les chaînes de valeur (commerce, industrie, services), l’INS peut repérer plus tôt les ruptures d’approvisionnement, les effets de prix et la diffusion des chocs.

Des garde-fous statistiques indispensables

L’option TVA n’est pas sans défis. Les comportements déclaratifs (retards, omissions, rectificatifs) et la couverture incomplète de l’informel exigent un travail d’apurement et de pondération pour limiter les biais. D’où l’importance de la séquence technique : lancé en mars 2023 à Douala, le processus a été jalonné par un atelier d’apurement en septembre 2025 pour nettoyer, certifier et valider la base. Ce socle permet d’obtenir des indices rénovés fiables, prêts à la diffusion. Dans la durée, la crédibilité de l’ICA reposera sur trois leviers : une gouvernance de la donnée partagée avec l’administration fiscale, une politique de révisions transparente (calendrier, vintages, métadonnées) et une documentation publique des méthodes (chaînage, désaisonnalisation, rebasage). Autant d’éléments qui ancrent l’INS dans les meilleures pratiques internationales.

Les travaux de Yaoundé marquent la fin de la phase pilote et le démarrage d’une production opérationnelle continue. Pour l’INS, l’ICA rénové devient un instrument central de suivi conjoncturel au service de l’État, des entreprises et des bailleurs. À court terme, la priorité est d’instituer une cadence régulière de diffusion et d’accroître la granularité sectorielle afin d’éclairer les secteurs pivots (industrie de transformation, commerce, services logistiques). À moyen terme, l’ICA peut nourrir des modèles de nowcasting (croissance trimestrielle, recettes fiscales) et dialoguer avec d’autres baromètres — prix à la production, indices de production industrielle, enquêtes de climat des affaires — pour construire un tableau de bord cohérent de l’activité.

Impact macroéconomique et horizon régional

Au-delà de l’amélioration technique, l’ICA nourrit trois ambitions. D’abord, réduire l’incertitude macroéconomique en offrant des signaux avancés plus fiables aux politiques budgétaire et monétaire. Ensuite, renforcer la transparence pour les acteurs privés et financiers, en particulier ceux qui interviennent sur le marché sous-régional des capitaux : une statistique plus réactive abaisse le coût de l’information et améliore l’évaluation du risque. Enfin, capitaliser régionalement : en s’affirmant comme référence statistique en Afrique, l’INS propose un modèle reproductible, compatible avec l’initiative « Aucun pays laissé de côté » de l’OACI en matière d’inclusion… transposable ici à la statistique économique par l’usage intelligent des données administratives.

Concrètement, l’ICA basé TVA peut aider à détecter précocement des retournements d’activité (baisse des ventes dans un segment), à mesurer l’effet des politiques publiques (allégements fiscaux sectoriels, programmes de relance) et à prioriser l’investissement public (infrastructures logistiques, énergie) en fonction des secteurs moteurs. Pour les entreprises, l’indice sert de repère de marché dans la négociation bancaire, l’allocation des stocks et la planification commerciale. Pour les partenaires techniques et financiers, il offre une base d’évaluation plus fine des projets et réformes.

Reste une exigence : consolider dans le temps la qualité des données. Cela suppose la poursuite de l’apurement, des contrôles croisés avec d’autres sources (douanes, CNPS, registres sectoriels), le respect du calendrier de publication, et la pédagogie auprès des utilisateurs pour éviter les mésusages (confusion entre valeurs courantes et volumes, interprétation des variations calendaires). À ces conditions, l’ICA rénové tiendra sa promesse : un indicateur plus rapide, plus économique et plus scientifique, capable d’éclairer les décisions publiques et privées, et de positionner l’INS comme un acteur de référence sur le continent.

En synthèse : la bascule vers la TVA n’est pas une simple optimisation de coûts ; c’est un changement de paradigme qui fait de la donnée administrative un actif stratégique, au service d’un pilotage économique moderne, régulier et comparable à l’international.

Amina Malloum





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