(Investir au Cameroun) – Depuis le 30 septembre 2025, les employés du Chantier naval et industriel du Cameroun (CNIC) ont entamé un nouveau mouvement de grève au siège de l’entreprise à Douala. Banderoles à la main, ils en appellent directement au président Paul Biya pour obtenir le paiement de 18 mois d’arriérés de salaires, qu’ils estiment à 2,7 milliards de FCFA.
« Depuis pratiquement cinq ans, nous sommes dans une situation de non-retour. Les arriérés de salaire ne font que s’accumuler et sont devenus exponentiels depuis deux ans », dénonce Gaspard Nyetam, délégué du personnel.
Les retraités du CNIC se sont joints au mouvement. « Les retraités ne perçoivent pas les droits prévus par la convention de l’entreprise et l’État. Conséquence, beaucoup meurent sans être soignés », alerte Norbert Tcheutgnia, représentant de ce collectif.
Approchée le 6 octobre par Investir au Cameroun, la direction du CNIC n’a pas souhaité commenter cette nouvelle grogne sociale.
En 2023, les employés réclamaient déjà le paiement de 1,2 milliard FCFA de salaires impayés, ainsi que 800 millions FCFA dus aux retraités. Leur mouvement avait été réprimé par la police.
Un ancien fleuron industriel en crise structurelle
Il y a dix ans, en 2013, des grèves avaient éclaté après des sanctions contre des leaders syndicaux — un épisode révélateur d’un cycle de crise chronique.
Autrefois fleuron de l’économie bleue, le CNIC réalisait encore un chiffre d’affaires de 40 milliards FCFA il y a plus de dix ans. Aujourd’hui, ses revenus annuels dépassent à peine 3 milliards FCFA.
L’entreprise publique croule sous les dettes fiscales (plus de 3 milliards FCFA) et sociales (plus de 2 milliards FCFA envers la CNPS), sur fond de vétusté des équipements, grèves récurrentes et conflits d’intérêts internes.
Pour tenter de la redresser, l’État avait initié un plan de restructuration (2015-2017), marqué par une réduction drastique du personnel, passé de 800 à 300 employés. Ce plan prévoyait également la recherche d’un partenaire industriel et la mobilisation de financements pour le Yard pétrolier de Limbé, censé relancer la compétitivité de l’outil industriel.
En parallèle, le CNIC tente de maintenir une activité minimale grâce à des contrats publics de travaux industriels — notamment la réhabilitation de bacs de franchissement — pour générer un minimum de revenus.
Mais sur le terrain, les employés disent ne plus croire aux promesses de redressement. La grève actuelle témoigne d’un climat social au bord de la rupture, dans une entreprise qui fut autrefois une vitrine du savoir-faire industriel camerounais.
Frédéric Nonos
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