Royaume Bakoko Cameroun ► Résistance du roi Songue


Le royaume Bakoko Cameroun résiste avec fierté à l’urbanisation galopante de Douala. Sur plus de 1000 hectares bordant le fleuve Wouri, Sa Majesté Jamil Madiba Songue mène un combat singulier pour préserver l’âme sawa face aux bétonneuses. Sept villages ancestraux, des projets innovants et une jeunesse mobilisée : découvrez comment ce royaume millénaire réinvente sa survie. Une bataille culturelle où chaque tradition sauvegardée devient un acte de résistance contre l’oubli.

Les sept nœuds d’un tissu ancestral menacé

Le décor évoque un royaume d’antan, figé hors du temps. À l’est de Douala, le royaume Bakoko-Wouri s’étend majestueusement entre les rives du fleuve Dibamba et les frontières de la Sanaga-Maritime. Sept villages forment ce territoire : Japoma (le siège royal), Mbanga Bakoko, Yassa, Yatchika, Yansoki, Bwang et Ngodi.

« Silence ! le roi s’approche », crie le héraut du temple bakoko, tandis que l’éclaireur sonne la cloche. Dans ce carrefour stratégique qui dessine le nouveau visage urbain de Douala, les traditions côtoient difficilement les artères bétonnées de la capitale économique.

Ensemble, ces sept villages forment les Miting Zangwa, les « sept nœuds » d’un tissu ancestral profondément enraciné dans l’histoire de la région. Un patrimoine que la pression urbaine menace quotidiennement de délitement.

« Notre terre est une mémoire. Elle ne doit pas être effacée par le développement », martèle Sa Majesté Jamil Madiba Songue depuis son trône de Japoma. Drapé dans son pagne traditionnel, brandissant le balai sacré symbole de la coutume sawa, le souverain observe avec lucidité l’évolution de Douala, à la fois bénédiction et menace pour son peuple.

Quand la tradition rencontre l’innovation économique

La vision du roi Songue transcende la simple nostalgie. « La pression urbaine réduit nos espaces cultivables et marginalise nos droits coutumiers. Mais notre peuple reste debout, car la résilience est notre héritage », affirme-t-il avec détermination.

Conscient que la modernisation demeure irréversible, il plaide pour un développement inclusif respectueux des traditions ancestrales. « Les sites sacrés, les forêts, les cours d’eau doivent être protégés. La jeunesse bakoko doit maîtriser la technologie sans oublier la sagesse des anciens. »

Sa vision ? Former des leaders enracinés, capables d’innover dans le strict respect des traditions millénaires. Le royaume travaille déjà à des projets ambitieux : parcours initiatiques autour des rites aquatiques, danses sacrées, musée retraçant l’histoire du peuple bakoko.

« Nos traditions vivantes peuvent devenir des moteurs du tourisme responsable », affirme le souverain. L’innovation la plus audacieuse reste la ferme piscicole sur le fleuve Dibamba, alliant techniques ancestrales et technologies modernes avec plus de 100 bassins prévus.

« Le Dibamba est sacré : il nous nourrit spirituellement et économiquement. Notre projet vise à former les jeunes, créer de l’emploi, assurer la souveraineté alimentaire et faire revivre la pêche traditionnelle. Chaque poisson élevé est un acte de résistance face à l’oubli », lance-t-il avec gravité.

L’école Timan A Tan, laboratoire de renaissance identitaire

Depuis le décès de son père, Sa Majesté Madiba Salomon, Jamil Songue a fait de la transmission culturelle une priorité absolue. L’école Timan A Tan (« retour aux sources ») incarne ce laboratoire de renaissance identitaire.

« Nos enfants y réapprennent les mots, les proverbes, les gestes traditionnels. L’établissement enseigne le port du sanja et du kaba, à danser les rituels, à cuisiner comme nos mères », explique-t-il. Sous la houlette des anciens, une génération se reconnecte au tambour de ses origines.

Une bibliothèque des traditions orales verra bientôt le jour, consolidant ce projet éducatif novateur. « Un arbre sans racines ne peut porter de fruits. Chaque enfant formé est un gardien de notre mémoire », philosophe le roi.

Chaque mois, le « Dialogue des générations » réunit anciens et jeunesse autour de questions cruciales : « Comment concilier études et coutumes ? Comment moderniser sans déraciner ? » Un pari risqué mais assumé par le royaume Bakoko Cameroun.

Les défis titanesques d’un royaume assiégé

Face à l’urbanisation, à la précarité et à la spoliation foncière, les défis restent immenses pour le royaume. « Nos terres sont convoitées. La pression foncière nous expose à des prédateurs puissants. Faute de titres clairs, les expropriations se multiplient. C’est notre héritage qui est en danger », alerte Sa Majesté.

Le roi appelle à un renforcement juridique des droits coutumiers, condition sine qua non pour que les Bakokos restent maîtres de leur sol ancestral. À cela s’ajoutent les maux de la métropole : manque d’infrastructures, chômage endémique, pollution des zones de pêche.

« Nos jeunes sont contraints de survivre dans le secteur informel. Il est temps de leur donner des outils, pas seulement des discours », dénonce-t-il. Dans sa vision du royaume, les jeunes deviendraient des « ambassadeurs culturels », chargés de transmission et conseillers numériques.

Une diplomatie coutumière pour l’avenir

« La modernité doit servir la tradition, pas l’effacer », martèle le souverain. Le royaume Bakoko vient de lancer l’Association camerounaise du tourisme maritime et social (ACTMAS) pour promouvoir un tourisme durable et inclusif.

« Nous tendons la main aux ONG, aux investisseurs, aux autorités locales comme à la diaspora. Ce territoire est une mine d’opportunités. Mais pour qu’il se développe, il faut des projets enracinés, pensés avec nous, pas contre nous. »

Son message à la diaspora sawa résonne comme un appel pressant : « Revenez. Bâtissez avec nous. Pas demain. Maintenant. » À l’ombre des mangroves du Dibamba, le royaume Bakoko veut inventer une nouvelle voie de développement.

« Notre respect est notre bouclier. Notre jeunesse est notre avenir. Et notre culture, notre plus belle arme pour exister dans ce monde qui change », conclut Sa Majesté Jamil Songue, gardien d’un patrimoine que l’Histoire ne saurait effacer.

Cette résistance culturelle du royaume Bakoko Cameroun préfigure-t-elle un modèle de développement alternatif pour l’Afrique contemporaine ?



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