(Investir au Cameroun) – Dans une correspondance datée du 7 juillet dernier, consultée par Investir au Cameroun, le ministre d’État, secrétaire général de la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh, informe le ministre des Transports de l’accord présidentiel pour la signature d’un protocole d’entente avec la société turque Yenigün Construction. Ce partenariat porte sur la réalisation du port en eau profonde de Limbé dans le cadre d’un modèle Build-Operate-Transfer (BOT).
Concrètement, la société turque sera chargée de mobiliser les financements, de réaliser l’infrastructure et d’en assurer l’exploitation pendant une durée à définir avec le gouvernement camerounais.
Convoitise États-Unienne
La Turquie n’est pas le seul pays à avoir manifesté son intérêt pour ce projet stratégique. Les États-Unis ont également exprimé leur volonté d’investir, comme en témoigne la visite en avril dernier de l’ambassadeur américain au Cameroun dans la région du Sud-Ouest. Lors de cette visite, Thomas Ndive Mulongo, directeur délégué du Port autonome de Limbé (PAL), a présenté les opportunités de partenariats public-privé et les possibilités de collaboration en matière de gestion des risques maritimes et d’opérations portuaires.
Avancement des négociations
Cette validation présidentielle confirme les déclarations faites en mars dernier par le ministre des Transports, Jean Ernest Masséna Ngallè Bibéhè, devant l’Assemblée nationale. Le ministre avait alors indiqué que les négociations étaient bien avancées avec un partenaire turc pour ce projet estimé à 400 milliards de FCFA.
En décembre 2023, le ministère des Transports avait également annoncé qu’un opérateur s’était porté volontaire pour prendre en charge, outre le port de Limbé, la réhabilitation de l’aéroport de Tiko, situé dans la même région du Sud-Ouest.
Longue gestation
Le projet de port en eau profonde de Limbé est en gestation depuis près de quinze ans. Une étude de faisabilité avait été actualisée en 2019 par un cabinet international, à la demande du gouvernement. Pour poursuivre le processus, l’Autorité portuaire nationale avait obtenu un financement de 2,6 milliards de FCFA destiné au recrutement d’un consultant.
Toutefois, le projet avait été suspendu en 2020 en raison de la pandémie de COVID-19, avant d’être relancé en 2021 et finalisé en 2022.
BOT : pertes ou profit ?
Le modèle Build-Operate-Transfer permettra au Cameroun de mobiliser des financements privés sans creuser la dette publique, tout en s’appuyant sur l’expertise technique de l’opérateur turc. Mais ce choix n’est pas sans risques. Ce type de partenariat public-privé implique souvent des coûts initiaux importants liés à la préparation et à la structuration du projet, avec des phases de planification, d’études techniques et juridiques longues et coûteuses. Par ailleurs, la complexité des contrats BOT, qui doivent prévoir de nombreuses situations sur plusieurs décennies, peut engendrer des difficultés d’interprétation, des coûts administratifs élevés et des risques de litiges entre les parties.
De plus, la longue durée des concessions expose les projets à des incertitudes économiques, politiques et sociales susceptibles d’affecter leur rentabilité et leur gestion. Enfin, bien que la responsabilité de l’exploitation incombe au partenaire privé, le transfert final de l’infrastructure au secteur public peut poser des défis en termes de contrôle qualité et de continuité des services.
Yenigün et le Cameroun
Yenigün Construction n’en est pas à son premier projet au Cameroun. L’entreprise s’est déjà distinguée avec la construction du stade de Japoma, un complexe sportif de 50 000 places situé dans la banlieue est de Douala. Un projet livré avec retard et dont les coûts restent controversés. Si l’entreprise dispose d’une capacité technique certaine, son expérience dans la gestion portuaire reste à démontrer.
Ludovic Amara
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