Dans un geste qui a électrisé les réseaux sociaux camerounais, Samuel Eto’o, président de la Fédération Camerounaise de Football (FECAFOOT), a pris position avec force pour défendre la mémoire d’Ernest Ouandié, héros de l’indépendance nationale, suite à des propos profondément offensants tenus par Elimbi Lobe. Cette intervention inattendue de l’ancienne gloire du football dans le débat mémoriel ravive la question brûlante du rapport des Camerounais à leurs héros historiques, dans un pays où l’enseignement de l’histoire nationale reste souvent parcellaire.
“Réparer, commémorer, transmettre aux plus jeunes l’héritage des héros, dont le sacrifice nous permet d’être le Cameroun, d’être une Nation.” C’est par ces mots forts que Samuel Eto’o a choisi de réagir le 24 février 2025 sur sa page Facebook officielle. L’ancien capitaine des Lions Indomptables, désormais à la tête de la FECAFOOT, a accompagné son message de photos des grandes figures de la résistance camerounaise, dont Ernest Ouandié, exécuté publiquement à Bafoussam le 15 janvier 1971.
Pour beaucoup d’observateurs, cette réaction du président de la FECAFOOT révèle aussi une maturité politique nouvelle chez une personnalité jusqu’ici plutôt connue pour ses prises de position sur le football que sur l’histoire nationale.
Les propos révoltants d’Elimbi Lobe qui ont enflammé le débat mémoriel au Cameroun
L’origine de cette controverse remonte à l’émission “Libre Expression” diffusée sur Info TV le 23 février, où Elimbi Lobe, figure controversée du paysage médiatique camerounais et leader du Mouvement Kwatal, s’est livré à une attaque frontale contre Ernest Ouandié.
“Ernest Ouandié était un grand bandit, il ne faisait pas de la politique, le Cameroun était déjà indépendant. […] Il était un bandit, il brûlait des villages pour rien,” a-t-il déclaré face à un Parfait Ayissi visiblement décontenancé. Des propos d’une violence inouïe contre celui qui fut l’une des figures majeures de l’Union des Populations du Cameroun (UPC) et compagnon de lutte de Ruben Um Nyobè.
Cette sortie a immédiatement provoqué une vague d’indignation sur les réseaux sociaux et dans les médias. Le panafricaniste David Eboutou a notamment appelé Elimbi Lobe à “faire amende honorable”, tandis que de nombreux internautes exigeaient des excuses publiques.
Une onde de choc dans la société camerounaise : La mémoire nationale en question
“Nous ne devons jamais oublier ce que nous devons à nos héros nationaux“, a insisté Samuel Eto’o dans son message, citant nommément Rudolf Douala Manga Bell, Martin Paul Samba, Ruben Um Nyobè et Ernest Ouandié. Une liste qui rappelle judicieusement la diversité régionale des figures de la résistance camerounaise, du littoral à l’ouest en passant par le centre et le sud.
Cette polémique intervient dans un contexte où de plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer une réévaluation de l’histoire officielle du Cameroun et une meilleure reconnaissance des héros nationaux. Des initiatives pour rebaptiser des rues, ériger des monuments ou intégrer plus largement ces figures dans les programmes scolaires se multiplient.
Pour Elimbi Lobe, cette sortie pourrait avoir des conséquences juridiques, certains juristes évoquant la possibilité de poursuites pour outrage à la mémoire nationale. L’intéressé n’a pour l’instant pas réagi aux nombreuses demandes d’excuses qui lui sont adressées.
En attendant, l’intervention de Samuel Eto’o, personnalité adulée par des millions de Camerounais, pourrait contribuer à une prise de conscience plus large sur l’importance de préserver et d’honorer la mémoire des combattants de l’indépendance, trop souvent effacés des récits officiels.