(Investir au Cameroun) – Le 11 juillet dernier, la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac) a requis la suspension temporaire du transfert des avoirs en déshérence à la Caisse des dépôts et consignations (Cdec) du Cameroun, suscitant une réaction ferme de Richard Evina Obam (photo), directeur général de la Cdec. La Cobac, en tant que régulateur du secteur bancaire de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), a justifié sa demande par l’absence d’un cadre réglementaire communautaire spécifique encadrant ces transferts, mettant en garde contre les risques opérationnels et les litiges potentiels. Dans une interview récente publiée par EcoMatin, Richard Evina Obam a exprimé son désaccord avec cette décision, insistant sur la souveraineté des États membres de la Cemac (Cameroun, Congo, Gabon, Tchad, RCA, et Guinée équatoriale) en matière législative et réglementaire. Le DG de la CDEC a souligné que chaque État membre est libre d’appliquer ses propres lois nationales, en l’absence d’un cadre réglementaire communautaire clair.
Citant l’article 1er de l’annexe à la convention portant création de la Cobac, il a affirmé que les États membres ont compétence par défaut sur les domaines non réglementés par le droit communautaire, notamment le service public des dépôts et consignations. « En vertu du principe de subsidiarité et en cas de compétence concurrente, les États membres ont une compétence par défaut sur tous les domaines non réglementés par le droit communautaire, ce qui est le cas du service public des dépôts et consignations. La construction communautaire est faite par les États et non par la défense des intérêts corporatifs. Maintenant, si une réglementation communautaire doit être mise en place pour encadrer certaines activités des caisses des dépôts et consignations, cela ne doit pas être de manière unilatérale ou en privilégiant certaines parties, mais en associant les États membres et même les caisses des dépôts et consignations », a-t-il expliqué, critiquant la Cobac pour ce qu’il considère comme un dépassement de ses compétences en cherchant à influencer des questions relevant de la souveraineté nationale.
Richard Evina Obam a affirmé que la Cdec agit strictement conformément à la réglementation nationale en vigueur, précisée par le décret du Premier ministre du 1er décembre 2023 fixant les modalités de transfert des fonds et valeurs à son institution. Il a soutenu que ce décret vise à sécuriser les avoirs en déshérence tout en maintenant la stabilité du secteur financier, en offrant aux établissements de crédit et de microfinance des modalités spécifiques pour gérer les transferts en cas de fragilité financière. « Les autorités camerounaises ont pris les mesures appropriées pour garantir la stabilité du secteur bancaire. Déjà, le décret du Premier ministre a permis aux établissements de crédit et de microfinance d’obtenir des modalités particulières en cas de fragilité financière ou de risques d’exposition au non-respect de certains ratios. Les modalités en question prennent en compte les défis opérationnels des transferts, tout en permettant aux banques d’ouvrir un compte CDEC dans leurs livres », a-t-il dit.
« Établissements de crédit récalcitrants »
« Les fonds transférés ne génèrent aucun mouvement de trésorerie défavorable pour la banque. Un échéancier de transfert des fonds et/ou valeurs spécifiques aux établissements de crédit ou de microfinance exposés à des engagements financiers est prévu parmi lesdites modalités », a-t-il ajouté. Le décret du Premier ministre prévoit en effet que les établissements de crédit et de microfinance, souvent exposés en termes d’engagements financiers, peuvent établir un échéancier de transfert des fonds et des valeurs selon des « modalités particulières » convenues entre les parties. Cependant, l’utilisation de ces modalités particulières est à l’appréciation du directeur général de la Cdec, selon le texte.
En ce qui concerne les préoccupations exprimées par la Cobac concernant les risques associés à ces transferts, Richard Evina Obam les a rejetées, affirmant que les rapports récents sur le système bancaire camerounais ne font état d’aucune menace sérieuse pour la stabilité financière. Il a également critiqué les établissements de crédit qu’il a qualifiés de « récalcitrants », accusés de chercher à contourner la réglementation nationale en se réfugiant derrière les directives de la Cobac. « Les établissements de crédit récalcitrants, qui multiplient des arguments spécieux, n’ont pas sollicité les modalités particulières prévues par la réglementation nationale. Ils ont plutôt passé leur temps à faire un procès d’intention à la Cdec et même à l’État du Cameroun. Ces établissements se sont volontairement mis en marge de la réglementation et se retrouvent désormais exposés à des mesures coercitives », a-t-il déclaré.
Richard Evina Obam a par ailleurs assuré que le processus de transfert des avoirs en déshérence se poursuit conformément à la réglementation en vigueur, considérant cette réforme comme une initiative souveraine visant à soutenir le développement économique du Cameroun. Il a souligné la disponibilité de la Cdec à traiter toute préoccupation potentielle de la Cobac, tout en exprimant l’espoir que le régulateur du secteur bancaire de la Cemac adopte un rôle de facilitateur du changement. « Il est essentiel que la Cobac se positionne comme un catalyseur du changement plutôt qu’un frein. En réalité, elle devrait accompagner les États dans le déploiement d’outils de financement de l’économie. Pour le cas de la Cdec, nous espérons fortement que la Cobac s’assure du respect, par les établissements de crédit, microfinances et paiement des dispositions législatives et réglementaires en vigueur », a-t-il conclu.
Patricia Ngo Ngouem
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